La nouvelle année signe toujours la promesse d’un renouveau: on efface tout et on recommence. Des bases saines et des résolutions sont de mises pour qu’on reparte du bon pied, histoire de pouvoir se lancer dans de bonnes nouvelles sur ces quelques lignes éditoriales. Tenez, après une année 2023 dans l’industrie vidéoludique qui aura vu plus de 10 000 personnes perdre leur emploi, je peux d’ores et déjà dire que 2024 sera bien moins difficile ! Bon, à l’heure où j’écris ces lignes, janvier n’est pas passé et nous sommes déjà à presque 4000 licenciements mais l’espoir fait vivre. Bon, ok, à l’heure où je relis ces lignes, Microsoft vient de virer presque 2000 personnes, mais promis, après c’est fini.
L’un des meilleurs aspects chez ces grosses sociétés, c’est le respect envers le consommateur. Tenez, prenez Ubisoft. Philippe Tremblay, le directeur des abonnements chez Ubisoft, a constaté un bond dans la souscription de Ubisoft + (oui oui, même Ubi a son propre service) au moment de la sortie du dernier Assassin’s Creed. De bons chiffres, permettant souvent au joueur de souscrire un mois entier pour profiter des jeux récents sans avoir à débourser le prix d’un jeu complet, sans toutefois le posséder. Tremblay, droit dans ses bottes, n’hésite pas à déclarer que les joueurs finiront par abandonner l’achat en physique voire même en dématérialisé pour se diriger vers l’abonnement.
Un comble, quand on voit que l’éditeur débranchera bientôt les serveurs de The Crew (déjà plus achetable en ligne) ou qu’une édition de Rocksmith a disparu des plateformes. Au-delà de toute forme de possession en physique, cela permet de sauvegarder des titres qui auraient fini par disparaître purement et simplement. N’importe quel grand manitou peut nous assurer autant qu’il veut qu’un éditeur maintiendra les services quoi qu’il arrive, le passé a déjà démontré qu’on a tôt fait de tout débrancher pour faire des économies, tout comme Nintendo avec son eShop Nintendo 3DS et WiiU qui fermera au mois de mars de cette année.
Des gros médias comme Numerama osent également surfer sur la polémique avec un titre d’article à côté de la plaque. L’auteur de l’article ne parle que d’une partie des joueurs, sans doute majoritaire, pour qui ça ne pose aucun souci de passer par un système d’abonnement car le jeu vidéo n’est perçu que comme un média de consommation, mais il est dommage de ne pas penser au côté patrimonial afin de conserver une oeuvre au même titre qu’un film. Mais le jeu vidéo étant plus jeune que le cinéma, les priorités ne sont pas les mêmes. Et l’argument du piratage n’en est pas un ici: s’il est facile de lire un film ou un album de musique sur bon nombre de supports, pirater un jeu (hors PC) et le lire sur sa télé est bien plus difficile, surtout quand les émulateurs ne sont pas encore capables d’aller titiller les consoles les plus récentes.
Mais c’est un constat intéressant sur un point: il y a un vrai fossé entre les joueurs adeptes des jeux découverts via Twitch mais ne pensant pas forcément aux équipes derrières, et ceux qui suivent le milieu d’un oeil plus aguerri. Les ambitions artistiques ne sont pas les mêmes, les attentes économiques non plus. On se retrouve avec une frange de jeux qui surfent sur les tendances du moment, en trouvant la petite feature qui va faire la différente, tout ça dans l’optique d’en faire un succès. Palworld, sorti récemment, en est le parfait exemple.
“Mise à jour : il n'est pas possible de sortir un jeu sur le Microsoft Store sans un certificat IARC
Pocket Pair aurait donc menti en remplissant le questionnaire : Palworld a des armes à feu, du cannibalisme, de l'esclavage, etc. C'est PEGI 12 minimum”
Sorti en début d’année en accès anticipé, Palworld est un des premiers gros succès de l’année avec déjà 8 millions de ventes, notamment grâce à une communication très précoce vantant les mérites d’un jeu que l’on pourrait résumer à “Pokémon avec des flingues”. La ressemblance avec le jeu de Pokémon Company étant assez troublante, Twitter nous a offert un déluge enflammé et puéril entre les défenseurs de la célèbre licence, accusant Palworld d’avoir pompé les designs, et ceux de Palworld, défendant mordicus que tout est original et frais.
Mais c’est surtout les ambitions du jeu qui sont étranges. Si le titre possède un aspect chronophage assez évident et un feeling apparemment sympathique, il y a un aspect cynique dans la description Steam du jeu (dans l’image ci-dessous), poussant le joueur à exploiter les créatures sans vergogne. Une espèce de second degré malaisant, qui n’est pas spécialement justifié dans le jeu. Est-ce une volonté des développeurs de dénoncer l’exploitation animale, ou simplement qu’ils sont complètement à côté de la plaque ? Je vous laisse juger.
[#film] - La Zone d’Intérêt
Dans l’univers du cinéma américain, Jonathan Glazer officie déjà depuis plus de vingt ans mais n’a que quatre films à son actif. Le dernier, Under the Skin, remonte à dix ans déjà, et mettait en scène une Scarlett Johansson brune qui s’en prenait aux hommes dans un film à la beauté plastique évidente mais étrange. La Zone d’intérêt, son nouveau film, possède lui aussi une approche très particulière. On y suit, pendant la Seconde Guerre Mondiale, le commandant SS Rudolf Höss (qui a véritablement existé) dans sa vie quotidienne et son travail, accompagné de sa femme et leurs enfants. Mais voilà le twist: la mission de Rudolf Höss est de gérer le camp de concentration d’Auschwitz, alors même que sa maison de fonction où ils vivent en famille est littéralement collée au camp.
Le réalisateur part donc sur une idée simple mais terriblement puissante: et si on suivait le quotidien de ce commandant nazi et de sa famille, à la fois dans le travail mais aussi dans la vie quotidienne, alors même que des atrocités ont lieu littéralement à quelques mètres de leur maison. Jonathan Glazer opte pour un traitement particulier: on ne voit jamais ce qu’il se passe dans le camp. Mais comme le film utilise régulièrement des plans larges tout en se servant intelligemment du format 4/3, on nous rappelle continuellement ce qu’il se passe sans jamais le voir. Le haut d’un train qui arrive en arrière-plan, des gardes qui traversent un passage en courant agrémenté de coups de sifflet ou encore des volutes de fumée au loin: tout est fait pour nous rappeler où nous sommes, dans quel contexte et ce qui est en train de se produire, pendant que les enfants jouent dans la piscine ou que la grand-mère s’adonne au jardinage.
Un contraste saisissant, marqué également par le sound design, qui souligne encore plus le malaise que l’on pourra éprouver. La Zone d’intérêt n’est clairement pas un film facile à voir, qui ne plaira sans doute pas à tout le monde car il n’est pas vraiment aimable, mais il ne laissera pas indifférent. Il pourra même être trop maniériste dans sa façon de faire, et c’est peut-être la limite du film: au-delà du procédé, les enjeux ne tiennent que sur ce décalage, avant d’arriver sur une conclusion inattendue et vraiment pertinente. Le film n’arrête pas de jouer sur le non-dit mais ne donne aucune direction: c’est le spectateur qui tente de comprendre pourquoi ces personnages sont aussi insensibles à ce qu’il se passe. En montrant le quotidien d’un travail comme un autre (on y voit Höss s’entretenir avec ses collègues sur des machines pour le camp dans une réunion qui apparaît comme complètement banal), les problématiques liés à la vie de famille (la mutation loin de la maison, les réflexions financières autour de leur train de vie) sont autant de rappels qui montrent des officiers complètement déphasés par rapport à la réalité, et c’est sans doute le plus difficile.
Mais La Zone d’intérêt est tellement atypique qu’il est difficile de passer à côté. Il est fascinant de voir à quel point Glazer parvient à créer le malaise juste grâce à l’inconscient collectif. Rien n’est dit de façon littéral dans le film, rien n’est montré, il n’y a aucun moment choquant ou sanglant, mais c’est l’inconscient collectif qui fait tout le reste. Nous sommes tous au courant de ce pan de l’Histoire, et c’est tellement imprégné que le film en est conscient et ne joue qu’avec ça. Impossible de rester indifférent à la proposition, et on comprend aisément pourquoi le film a autant marqué les spectateurs.
La Zone d’intérêt / Réalisé par Jonathan Glazer / Avec Sandra Hüller, Christian Friedel / Sortie au cinéma le 31 janvier 2024
[#série] - The Crown
Sept ans après l’arrivée de la première saison, The Crown s’est achevée en fin d’année dernière, concluant les trépignations de la famille royale britannique sur plusieurs décennies. Créée par Peter Morgan, possédant à son actif une carrière de scénariste sur des longs-métrages se concentrant sur des figures politiques comme Frost/Nixon ou Le dernier roi d’Ecosse, The Crown arrive sur la plate-forme Netflix avec dès le départ une intention plutôt ambitieuse. Sur six saisons et 60 épisodes, la série ambitionne de couvrir pas loin de soixante ans du règne d’Elizabeth II, de son mariage avec le prince Philippe en 1947 jusqu’au décès de la reine Mère en 2002, avec en prime la décision de changer le casting toutes les deux saisons pour faire vieillir progressivement ses personnages. Une production atypique et un projet passionnant à suivre, qui aura réussi à aller jusqu’au bout de sa démarche.
Il est utile de rappeler que la série ne se base sur aucun écrit officiel, elle précise s’inspirer de faits réels. The Crown a souvent été critiquée sur sa précision historique sur certains points, car si la série se base sur des événements de l’Histoire actés, elle reste avant tout une fiction, où elle romance tout ce qui se trame en coulisses ou s’arrange afin de se concentrer sur la thématique principale de l’œuvre: comment le pouvoir d’une monarchie impacte les êtres humains qui en sont tributaires. Que se passe-t-il quand une poignée de personnes possède autant d’impact sur la vie de millions d’autres ? Comment peuvent-ils connaître les besoin de tous alors qu’ils restent cloîtrés dans une tour d’ivoire ? Comment ce pouvoir s’adapte à travers les époques ? C’est là où réside tout l’intérêt de The Crown: si la dimension documentaire est bien présente, elle sert surtout de contexte pour faire évoluer ses personnages qui, eux, sont fictionnels.
C’est donc tout un travail d’écriture pour rendre cohérent les personnages qui sont décrits ici, dont beaucoup sont encore vivants à l’heure actuelle. The Crown met en lumière les difficultés d’une famille, des responsabilités, de l’incapacité de s’adapter à son époque et des contraintes que tout ceci engendre. On pourra reprocher à la série de ne pas être totalement neutre, à raison, mais The Crown ne met pas en avant un quelconque aspect documentaire mais joue plutôt sur la nostalgie et les souvenirs du public pour amener du contexte. Elle préfère romancer son histoire et se concentrer sur les thématiques qu’elle développe, et c’est tant mieux, car cela permet d’avoir un point de vue assumé.
Cela permet de développer les traits de personnalités de ces figures historiques, sans non plus affirmer que tout s’est passé comme dans la série. La reine est montrée comme une femme qui a sacrifié ses besoins personnels pour la couronne, tout en montrant une fermeté sur certaines responsabilités, quitte à mettre de côté les sentiments, tandis que son fils Charles est montré comme quelqu’un souhaitant moderniser la monarchie et faire changer les choses, tout en montrant une relation compliquée avec Diana. Celle-ci aura d’ailleurs l’occasion de briller à travers deux actrices excellentes, démontrant bien l’importance que le personnage aura eu ainsi que la solitude dont elle a souffert. C’est d’ailleurs un des vrais plaisirs au visionnage de la série: découvrir les nouveaux acteurs qui incarne les personnages, et de voir les rôles évoluer petit à petit. On regrettera que certaines figures, notamment sur la dernière saison, ne soient pas suffisamment développés, mais tous ont leur moment et leur épisode pour briller et les rendre attachant dans leurs qualités comme leurs défauts.
Et formellement, la série arrive également à en imposer, à travers des épisodes riches et toujours superbement retranscrits. Si l’ambiance sonore intra diégétique n’hésite pas à marquer l’époque par des morceaux connus, le travail sur la bande originale de Martin Phipps est sublime, parvenant à créer des thèmes musicaux marquants et accompagnant parfaitement certaines tragédies qui se préparent. La mise en scène arrive toujours à marquer certains grands événements de belle manière, comme lors du grand Smog de 1952 à Londres, qui permet au personnage de Churchill d’être mis en avant ou encore les épisodes consacrés à Margaret et à son idylle avec le photographe Tony Armstrong Jones. La série joue sur plusieurs genres, plusieurs tableaux, quitte à sombrer parfois dans de la comédie romantique un peu pompeuse mais cela permet à n’importe quel public de s’immerger dans l’univers de façon très didactique. Un vrai plaisir et un superbe projet qui prend fin et qui, malgré quelques petites baisses de qualités évidentes, aura tenu brillamment jusqu’au bout.
The Crown / Créée par Peter Morgan / Avec Claire Foy, Olivia Colman, Imedla Staunton, Matt Smith, Tobias Menzies, Dominic West, Vanessa Kirby, John Lithgow, Gillian Anderson, Helena Bonham Carter / Six saisons (60 épisodes) disponibles sur Netflix
[#jeu vidéo] - Astral Ascent
Dans le monde du jeu indépendant, des œuvres rogue-lite marquantes comme Hadès ou Dead Cells font des émules. Hibernian Workshop, un studio basé à Angoulême, s’est lancé en 2019 sur le développement d’un rogue-lite avec accès anticipé, et reprenant bon nombre d’ingrédients qui ont fait le succès du genre. Après un an et demi de retours et de mises à jour, Astral Ascent sort enfin le 14 novembre 2023. Et si le jeu n’atteint pas les sommets du genre, il promet un titre très plaisant et solide sur ses appuis.
On y incarne au choix quatre personnages (que l’on débloque très vite) dans un univers de fantasy et de magie. Ils vont devoir s’enfuir du Jardin, une espèce de prison dimensionnelle, gardée par 12 guerriers surpuissants et représentés par les douze signes du Zodiaque, supervisés par le maître des lieux. Evidemment, un rogue-lite avec douze boss à affronter serait bien trop long, et le jeu choisit d’axer la progression autour de quatre mondes bien distincts, avec un boss dans chacun d’eux qui sera pioché parmi trois des douze guerriers. Tout comme Hadès, le hub de départ sera l’occasion de discuter avec bon nombre de PNJs et de construire de petits dialogues (sans être aussi chouettes à suivre que dans son modèle). Ces PNJs permettent également de grimper ses statistiques de départ ou de faciliter les prochaines runs, comme la possibilité d’embarquer plus de vie ou de débloquer des nouveaux pouvoirs qui seront disponibles durant votre aventure.
La progression du run est très similaire à celle de Hadès. Votre personnage se déplace sur un plan 2D latéral (comme Dead Cells) et devra choisir les prochaines salles en ayant un aperçu de ce qui l’attend: est-ce que vous allez opter pour de l’exploration avec des Cristaux à la clé, permettant de débloquer plus tard des nouveaux sorts ? Ou plutôt partir sur de la collecte de Clés, avec un combat obligatoire, mais qui permettent d’augmenter ses caractéristiques ? Le choix des salles permet aussi de régler la difficulté, pour engendrer toujours plus d’Etoiles suivant le risque pris, ce qui ouvre également d’autres possibilités, lors de certaines salles pour augmenter ses stats. Certaines salles spéciales apparaissent à intervalles réguliers, comme celle pour choisir un PNJ qui viendra vous aider sous certaines conditions, ou des défis de Zodiaques pour espérer récupérer une invocation fort utile.
Tout ceci sert à faire évoluer les pouvoirs de votre personnage, chacun avec ses propres sorts et une attaque spéciale. Chacun des quatre a son style: Ayla (la première de base) sera à l’aise avec ses dagues, tandis que Kiran ira plus au corps-à-corps en jouant sur son attaque spéciale de contre, moins simple à placer mais rudement efficace. Les deux autres, Calie et Octave, se la jouent plus à distance avec des effets/malus sur les ennemis. Un beau panel, qui ont tous quatre slots activables les uns à la suite des autres, pouvant contenir des sorts. Chaque début de run vous laisse le sort de base dans les quatre slots, et ça sera au joueur de sélectionner les sorts qu’il dénichera, sachant qu’on peut y appliquer un effet (tirer un missile, charger de la foudre, provoquer une brûlure) et que certains sorts sont plus efficaces avec des éléments spécifiques. Il faudra aussi prendre en compte les Auras, des effets passifs forts utiles qui peuvent impacter tout votre build. Un système intéressant, pour créer un build très puissant, mais dont le système de sorts possède une vraie limite en jeu: impossible d’avoir un œil sur l’ordre des sorts (ils s’enchaînent les uns à la suite des autres, on peut juste sélectionner l’ordre), car les combats sont tellement intenses qu’on ne fait finalement que déclencher un pouvoir quand c’est possible (la Mana se recharge en attaquant). Fort heureusement, les Sorts font souvent des dégâts de zone, et il est rare de ne pas toucher un ennemi.
Et visuellement, Astral Ascent régale les yeux par son animation travaillée et ses couleurs chatoyantes. Sans être d’une beauté folle et d’une direction artistique originale, l’effet pixel fonctionne et permet de vite trouver ses marques sans trop s’y perdre. Il reste toujours très lisible malgré les effets dans tous les sens pendant les combats, et possèdent ses quelques décors marquants dans l’ambiance. Le jeu est suffisamment riche pour qu’on y revienne régulièrement sans se lasser (une run prend entre 40 et 50 minutes), d’autant plus qu’une fois arrivé au bout, de la même manière qu’Hadès (encore lui), le jeu remonte le challenge tout en rajoutant des strates supplémentaires pour faire évoluer vos capacités et les skills du joueur. Amateurs de rogue-lite, Astral Ascent a de quoi vous rassassier
Astral Ascent / Développé par Hibernian Workshop / Sortie le 14 novembre 2023 / Disponible sur PC (Steam), PS4/PS5, Switch, GOG / Prix: 25 euros
[#comics] - Au-Dedans
Nombre d’auteurs de BD commencent quelque part, parfois dans des endroits incongrus, que ce soit dans des petits fanzines, du dessin plus industriel ou dans les pages d’un journal en tant qu’illustrateur. C’est le cas pour Will McPhail, un dessinateur qui officie principalement sur les illustrations du magazine New Yorker. En France, l’auteur n’est pas spécialement connu, logique vu que Au-Dedans (“In” en version originale) est sa première bande dessinée officielle, qui a la chance d’arriver en Hexagone par l’éditeur 404 Editions (la partie Graphic, plus exactement).
Au-dedans raconte l’histoire de Nick, un jeune citadin vivant à New York, et illustrateur de surcroît. Il vit entre ses petits projets personnels et des boulots alimentaires pour des agences de publicité, sans autre ambition que son train-train quotidien. Il profite de ses moments de liberté pour vagabonder dans les rues, croquer les gens dans le métro, tester les derniers cafés tendance et tenter de comprendre pourquoi il ne se sent pas heureux. Petit à petit, au fil des rencontres, il va créer plusieurs liens, et va pousser à aller plus loin dans les relations sociales que les simples échanges cordiaux auxquels nous sommes tous confrontés dans la vie.
Au-dedans pourrait appartenir à la catégorie “tranches de vie” tant il se concentre sur son personnage principal et de ses propres réflexions. Comme souvent dans ce genre très autobiographique, c’est le genre d’histoires qui pourra rebuter les personnes qui ne se projettent pas dans le personnage. Pourtant, le livre de McPhail parvient à créer un attachement très rapide, en jouant à la fois sur des émotions humaines et ses propres réflexions, et sur des situations humoristique du quotidien. Le personnage de Nick est un millénial typique, assez cynique sur sa vision du monde mais aussi complètement dans la norme actuelle. Il est à la fois conscient que quelque chose ne va pas dans notre société mais ne fait rien de spécial pour l’améliorer. Pourtant, il va tenter de comprendre, à travers plusieurs scènes, pourquoi l’humain a du mal à nouer des relations, à s’épancher sur ses propres problèmes, à parler du personnel et de l’intime. A dire des choses sincères.
Et le style de McPhail est propice à ça. Il utilise des personnages au style semi-réaliste, jouant sur des expressions faciales simples et deux ronds expressifs en guise d’yeux pour venir y apposer tout l’émotion dont il a besoin. Et surtout, il ne surcharge jamais ses pages, jouant même sur une soustraction des cases quand il faut, voire même sur l’absence de dialogues. Il en vient même à utiliser de la couleur pour des scènes très particulières, rendant l’impact de ces séquences encore plus fort. Avec 300 pages au compteur on aurait pu croire que la lecture de Au-dedans serait copieuse mais on enchaîne les pages avec un rythme soutenu tant on prend plaisir à découvrir son découpage et ses révélations. On en sort déboussolé, impressionné et on se surprend de la tournure que prend l’histoire, qui arrive à nous émouvoir d’une manière redoutable.
Et dernier mot sur l’édition de 404 Graphic: comme d’habitude, ils prennent soin d’éditer des livres d’auteurs de comics indépendant avec un soin tout particulier, réussissant à choisir la maquette et le papier qu’il faut pour chaque livre de leur catalogue. Et tout ça à un prix relativement abordable, surtout comparé aux augmentations que l’on voit un peu partout. Big up à eux.
Au-dedans / Will McPhail / Chez 404 Graphic / One shot / 280 pages / 26,50 euros
Les films gratos du mois
Ce mois-ci: un nouveau venu sur la sélection avec l’arrivée de TF1+ qui propose une sélection de films (plus ou moins qualitatifs) avec cependant de la publicité pour l’offre gratuite. Mais on peut toujours compter sur France.TV qui s’est lancé en début d’année sur une rétrospective d’Hitchcock, à raison d’un film par semaine, ainsi que quelques films récents à découvrir ci-dessous.
Ambulance (Michael Bay - 2022) jusqu’au 5 février
L’étau (Alfred Hitchcock - 1969)
La corde (Alfred Hitchcock - 1950)
Cinquième Colonne (Alfred Hitchcock - 1949)
L’homme qui en savait trop (Alfred Hitchcock - 1956)
Frantz (François Ozon - 2016)
Enquête sur un scandale d’État (Thierry de Peretti - 2021)
Limitless (Neil Burger - 2011)
Sans aucun remords (Stefano Sollima - 2021)
Playlist du mois
Ce mois-ci, la saga Yakuza revient avec Like a Dragon Infinite Wealth côté jeux vidéos, ainsi qu’un nouvel album de Genshin Impact, qui se révèle toujours aussi parfait pour mettre en fond sonore. Prince of Persia: The Lost Crown est aussi à l’honneur, et notamment l’artiste iranienne Mentrix qui propose de belles envolées musicales. Côté ciné/séries, Poor Things sort du lot avec ses musiques éclectiques, ainsi que Godzilla Minus One et ses morceaux hommages au thème emblématique de la saga.
Petite nouveauté cette année: en plus de la playlist Youtube, il y a maintenant une playlist Spotify qui se remplira au fil des mois et qui possède en prime quelques pistes supplémentaires pour chacun des œuvres présentes !
» Accéder à la playlist Spotify de 2024
Playlist Youtube accessible en cliquant sur l’image
Misc
Game Next Door revient avec une thématique passionnante: se poser la question de pourquoi nos jeux préférés sont nos préférés, et dans le cas du vidéaste, pourquoi ces jeux sont des oeuvres qui forcent le joueur à tenir face à l’adversité (et le monde actuel).
Arte ne déroge pas à la règle, et propose toujours avec Blow Up un des meilleurs contenus sur le cinéma. Cette fois-ci, pour la nouvelle année, la chaîne innove en allant explorer une année complète de cinéma, avec pour commencer 1984.
En attendant celui consacré au second épisode qui ne devrait pas tarder à arriver, retour sur le making-of de The Last of Us avec la vidéo Grounded (sous-titré FR)
Vous avez adoré Logan Roy, le patriarche de Succession incarné par Brian Cox ? Qui de mieux pour résumer l’histoire de la saga Tekken, qui parle lui aussi de parentalité difficile
On reste dans la culture, mais plutôt culinaire: le vidéaste Whoogy’s nous fait découvrir les petites merveilles gustatives de Copenhague
La vache... cette image de la piscine à côté du camp... Le pitch du film de Jonathan Glazer (un réal que je connais peu, n'ayant vu que Sexy Beast il y a longtemps, que j'avais beaucoup aimé) est aussi incroyable qu'il fait froid dans le dos. Merci pour cet article et ces recommandations !! ;-)