#18 - Top of the PoP
Quand le jeu vidéo mène les joueurs à la baguette, ce n'est pas une question de boulangerie.
Vendredi 23 février à Paris (voire même le jeudi pour d’autres), c’était l’effervescence pour tous les fans de NieR. Car pour la première fois en France, la tournée NieR: Orchestra Concert s’est arrêté au Palais des Congrès de Paris pour venir y interpréter les musiques des jeux NieR: Replicant et NieR: Automata, accompagné d’un orchestre symphonique et des chanteuses Emi Evans et J’Nique Nicole (oui). Un concert qui aura marqué les esprits, déjà pour apprécier l’une des plus belles soundtracks de ces dernières années, composée par Keiichi Okabe, mais aussi pour la qualité de ses arrangements et la scénographie de l’ensemble, prenant le temps de raconter une histoire avec les doubleurs officiels des personnages.
Et les concerts de jeux vidéos, ce n’est plus aussi rare qu’auparavant. Après une première incursion au début des années 2010 avec les Video Games Live, grande célébration des musiques de jeux en tout genre qui rend hommage aux symphonies les plus célèbres du JV, tout s’est multiplié, aussi bien pour le cinéma que pour le jeu vidéo. Au Japon, ce genre d’événement existe depuis un bout de temps, notamment parce que la musique des J-RPG comme Final Fantasy ou Dragon Quest possède une belle réputation, mais le succès grandissant de la pop culture a permis à ces concerts de franchir les frontières. L’occasion est trop belle de célébrer les 30 ans de Sonic par exemple.
Evidemment, des licences comme Final Fantasy, avec sa tournée Distant Worlds, continuent à enchaîner les performances à travers le monde, mais on voit de plus en plus d’œuvres qui font carton plein, comme récemment Elden Ring ou Castlevania. Et si la reprise classique des thèmes tel quel peut parfois paraître trop attendu et facile, les concerts commencent à arranger les mélodies, voire parfois faire des modifications tellement profondes que le morceau devient presque totalement nouveau, mais en conservant la tonalité de l’œuvre originale. On pense notamment à Final Symphony ou Symphonic Fantaisies, des projets notamment dirigés par Jonne Valtonen, un arrangeur finlandais désireux de créer de véritables symphonies avec la base d’oeuvres comme Final Fantasy ou Chrono Trigger. Une belle preuve de créativité qui fait du bien et qui conduit même à avoir droit à la Philharmonie de Paris.
De son côté, le Game Music Festival essaye, année après année, de promouvoir le média à travers une petite série de concerts sur deux jours, invitant les compositeurs à une grande messe musicale. D’abord lancée en Pologne, l’événement continue ses représentations à Londres avec des véritables pièces musicales consacrées aux jeux de Supergiant Games ou Cuphead par exemple, parfois dirigées par le compositeur lui-même comme Austin Wintory sur ses propres compositions (Journey, Banner Saga). Le festival permet même de petites rencontres/masterclass avec les compositeurs pour écouter la manière dont ils conçoivent leurs musiques. On espère que ce genre d’événements ne fera que se multiplier. Même les jeux indépendants ont droit à leurs concerts, c’est pour dire.
[#jeu vidéo] - Prince of Persia: The Lost Crown
Que de souvenirs sur cette vieille licence qu’est Prince of Persia: la Perse, les princes…Mais au début des années 2000, Prince of Persia tombe sous l’escarcelle d’Ubisoft, avec une trilogie débutée par Les Sables du Temps - dont un remake peine à sortir de l’eau faute de retours convaincants. Outre quelques épisodes oubliables, le prince de Perse est donc remisée aux oubliettes… jusqu’à aujourd’hui. Raviver la flamme e rappeler l’existence de cette marque dans l’esprit des joueurs n’est pas une mince affaire, il fallait donc rentrer par la petite porte des jeux plus modestes pour ne pas mettre toutes les billes dans le même panier. C’est là qu’intervient Ubisoft Montpellier avec Prince of Persia: The Lost Crown.
Projet réalisé avec une plus “petite” équipe (je mets les guillemets, parce que ça reste Ubisoft, quand même), PoP: The Lost Crown diffère beaucoup de ses aînés et en même temps pas tant que ça. Le jeu revient sous les projecteurs avec une différence de taille: on a droit cette fois-ci à un metroidvania en déplacement 2D. On oublie le jeu d’action-aventure 3D qui a fait le succès des épisodes précédents, pour revenir finalement aux origines des tout premiers épisodes, en ajoutant une dimension dynamique d’exploration. Le genre du metroidvania a toujours été populaire, déjà grâce à Metroid, mais surtout récemment grâce à Hollow Knight. Le principe est le même et se justifie dans l’histoire: vous dirigez Sargon (qui n’est pas une tablette de machine à laver), un Immortel qui fait partie d’une troupe d’élite au service de la reine Thomyris de Perse. Manque de bol, le prince se fait enlever et emmener au mont Qaf, un immense palais mystérieux et perdu dans les affres du temps. Le joueur devra donc explorer le lieu et ses environs à travers une immense carte, afin de progresser, débloquer des pouvoirs et aller toujours plus loin dans les niveaux.
Premier constat: le jeu bouge extrêmement bien. Sargon court, frappe et saute de façon instinctive. Il faut un petit temps d’adaptation pour gérer les directions et les esquives mais on prend beaucoup de plaisir à se déplacer dans les niveaux, surtout lorsqu’il a à sa disposition une palette de mouvements encore plus fournie vers la fin du jeu. Comme souvent avec le genre, le jeu repose énormément sur des zones inatteignables où il faudra revenir plus tard une fois la bonne capacité en poche. PoP: The Lost Crown dévoile à cette occasion une des nombreuses features malignes du jeu: la possibilité de faire un screenshot de n’importe quel endroit pour le marquer sur la carte et ne pas oublier d’y retourner. Bon nombre d’options d’accessibilité sont là pour faciliter ou non l’exploration des joueurs. Cela permet à chacun d’ajuster la difficulté à son niveau, et c’est tant mieux.
Pour le reste, la carte est blindée de passages secrets en brisant des murs ou de leviers à activer servant généralement à créer des raccourcis pour accélérer la progression. De petits objectifs secondaires viennent étoffer les pouvoirs de Sargon ainsi que des amulettes à placer sur son personnage pour l’améliorer, comme la défense au corps à corps, le ralenti lors d’une esquive réussie ou une meilleure protection élémentaire. Une tripotée de possibilités, qui permettent d’adapter son style de jeu, avec en plus la capacité de les améliorer, ainsi que ses armes et sa barre de vie. Bref, une progression à la carte dont les changements se ressentent immédiatement manette en main.
Une manière pour le joueur de maîtriser de plus en plus son environnement, qui apparaît de moins en moins hostile et effrayant, ainsi que ses adversaires que l’on apprend à connaître. Les ennemis sont nombreux, mais le système de combat est suffisamment riche pour pouvoir occire rapidement vos ennemis. Le jeu mise beaucoup sur le juggle, ou la possibilité de projeter les ennemis en l’air et de continuer à les attaquer alors qu’ils sont sans défense. PoP: The Lost Crown profite aussi de petits défis de tutoriaux pour montrer des combos plutôt riches et inattendues, cumulés avec des attaques spéciales accessibles via une jauge qui se remplit lors de vos attaques ou contres réussies. Bref, des combats vraiment poussés et plaisants, dont les possibilités se multiplient au fil des capacités liés au Simorgh, une entité surnaturelle qui vous donnera des pouvoirs précieux, comme celle de poser une image de vous dans un coin pour s’y téléporter en un clin d’œil. Des petites friandises à utiliser sans hésitation durant les combats de boss qui vous pousseront à exploiter tout votre attirail magique.
Et la difficulté reste malgré tout assez bien dosé, mis à part un ou deux boss plus retors que les autres. Le jeu possède des challenges bien plus relevés dans ses parties facultatives, notamment sur des sessions de plateformes très “Celeste-core” avec des piques en pagaille qui obligent à refaire tout le parcours à la moindre erreur. Des passages pour les plus aguerris, d’autant plus que la précision de certaines acrobaties sont un peu mises à défaut par de légers couacs frustrants à ces endroits. Et autre point noir à noter: le jeu, à l’heure de sa sortie, possède quelques bugs qui peuvent parfois carrément bloquer votre progression. Nul doute que ce sera corrigé par la suite via des patchs, mais pour un jeu qui frise autant l’excellence à tous les niveaux, ça fait un peu tâche. Avec quelques manipulations préventives comme celle de copier les sauvegardes pour éviter de malheureux accidents, on pourra profiter de ce qui est un des meilleurs jeux de ce début d’année 2024, sans aucun doute.
Prince of Persia: The Lost Crown / Développé par Ubisoft Montpellier / Sortie le 18 janvier 2024 / Disponible sur PC (Ubi Store), PS4/PS5, Xbox One/Series Switch, Epic Games / Prix: 50 euros
[#film] - L’Enfer des Armes
A bientôt 74 ans, Tsui Hark est un réalisateur chinois prolifique avec près de 50 films et quelques pépites comme la saga des Il était une fois en Chine, Time and Tide, The Blade ou récemment la série des Detective Dee. Des films souvent remplis d’idées de mise en scène par dizaines, n’hésitant pas à expérimenter sur n’importe quel genre de cinéma pour venir y faire exploser les codes. Cela lorgne parfois vers un aspect série B qui pourra détonner et ne pas plaire à tout le monde, comme son fameux Zu, les Guerriers de la Montagne Magique. Le jeu d’acteur pourra désarçonner ceux qui n’y sont pas habitués, surtout dans ses moments de pure comédie dont l’humour peut complètement laisser de côté. Mais nul doute que le bonhomme sait être inventif avec un minimum de moyens et de temps. Et lorsqu’il débute sa carrière au début des années 80, le réalisateur n’est pas encore dans un mélange de tons, réalisant plutôt des films teintés d’une colère sourde envers la situation économique de son propre pays. C’est dans ce contexte que sort L’enfer des armes, qui vient récemment d’être restauré pour la France.
Car dans les années 80, Tsui Hark est un jeune réalisateur qui en veut et n’hésite pas rentrer dans le lard sociétal de l’époque pour y parler de cette jeunesse chinoise qui veut en découdre. Partant d’un fait divers où des adolescents ont commis une série de petits attentats dans les années 70, Tsui Hark raconte l’histoire d’un trio d’adolescents qui fait exploser une bombe artisanale dans un cinéma. L’acte est une provocation, sans forcément de revendications mais ils se font griller par une jeune ado, Pearl, dont la férocité et l’envie d’en découdre est nettement plus sincère. Mais ça, c’est dans la première version du film. La censure chinoise va passer par là, et demandera au cinéaste de repenser le montage pour être moins frontale. L’attentat sera relégué en un acte isolé au milieu du film sans rapport avec les protagonistes, et le trio d’adolescents se verra impliqué dans le scénario par un accident de voiture involontaire qui cause la mort de quelqu’un, dont Pearl sera également témoin afin de les embarquer dans sa rébellion vengeresse. Le film rajoute également un obscur groupe de mercenaire occidentaux, adoucissant le propos, mais Tsui Hark parvient à garder néanmoins un nihilisme assez sauvage et cahotique et une vision de la jeunesse qui n’est pas sans rappeler Orange Mécanique.
L’enfer des armes surprendra aussi ceux qui ne sont pas habitués au cinéma de Tsui Hark: le jeu des acteurs, notamment occidentaux, ressemble parfois à une mauvaise série B, et la violence exacerbée pourra faire sourire. Mais la trajectoire dramatique du film l’emporte régulièrement face aux aléas de production, et surtout à travers un acte final singulier et sans scrupules. Il y a une férocité dans le film qui ne laisse pas indifférent, une violence qui n’est jamais gratuite, laissant monter la colère du réalisateur petit à petit. Le regard de l’héroïne interprétée par Lin Chen-Chi, celle d’une adolescente qui a envie de tout faire cramer, perce l’écran et emmène le spectateur toujours plus loin sur une pente enflammé, embarquant avec elle ces trois ados bourgeois qui prennent conscience petit à petit que le monde dans lequel ils vivent est sans pitié.
Les moyens étant ce qu’ils sont, Tsui Hark s’est lâché sur l’utilisation de musiques ou de morceaux occidentaux plus ou moins connus, pour habiller la partie sonore du film. On pourra donc entendre le fameux morceaux Oxygène de Jean-Michel Jarre pour habiller une séquence de fuite des adolescents, ou encore des extraits de BO de Goldsmith ou de Lalo Schifrin. Le mélange est détonnant et participe à l’atmosphère étrange et chaotique du film. Un film qui connaît donc une belle restauration aujourd’hui dans quelques salles de cinéma, avant de le voir sortir dans une belle copie blu-ray chez Spectrum. Une belle manière de redécouvrir un gros morceau du cinéma hongkongais.
L’enfer des armes / Réalisé par Tshui Hark / Avec Lo Lieh, Lin Chen-chi, Albert Au, Lung Tin-sang, Ray Lui / Ressortie au cinéma le 7 février 2024 - Sortie en blu-ray en 2024
[#série] - Mr & Mrs Smith
Souvenez-vous: en 2005, le réalisateur Doug Liman s’emparait du couple Brad Pitt/Angelina Jolie dans un film d’action: Mr & Mrs Smith, où chacun jouait un agent secret pour des agences différentes, ignorant tout des activités de l’autre. Un joli succès, pour un film pas incroyable mais plutôt sympathique. Mais ce que l’on sait moins, c’est que Mr & Mrs Smith était tout d’abord une série télévisée à la fin des années 90, tuée dans l’oeuf après la diffusion des neuf premiers épisodes. Le couple était interprété par Scott Bakula (monsieur Code Quantum) et Maria Bello, mais n’aura pas su convaincre son public. C’est en ce début d’année 2024 que la licence fait son grand retour chez Prime Video, avec cette fois-ci en couple star: Donald Glover (Community, Atlanta) et Maya Erskine (Man Seeking Woman, PEN15).
Petite note de production: la série a été annoncée en 2021 avec Phoebe Waller-Bridge comme tête d’affiche, qui était même impliquée dans la production, mais celle-ci a quitté le projet en raisons de désaccords créatifs, laissant la place à Maya Erskine. La série récupère Francesca Sloane dans le rôle de showrunneuse, et on retrouve une bonne partie de l’équipe de la série Atlanta, ce qui s’en ressent d’ailleurs au visionnage. L’histoire reprend celle de la première série télévisée: on y suit deux personnages inconnus mais avec certains talents, qui vont intégrer une mystérieuse agence secrète pour devenir un faux couple sous les noms de John et Jane Smith, afin de réaliser des missions ensembles. Protection, assassinat, livraison de colis mystérieux: tout y passe, avec un certain degré de risque. Une manière ingénieuse d’amener de l’humour sur les passages de leur “vie professionnelle” où les deux personnages vont devoir s’associer pour réussir leur mission à chaque épisode.
Au-delà du magnétisme du couple Glover/Erskine, principal attrait de la série ainsi que sa tripotée de guest stars (Paul Dano, John Turturro, Ron Perlman, Sarah Paulson, Michaela Coel, Alexander Skarsgard), la série surprend par son approche résolument plus posé que ses prédécesseurs, et surtout par une thématique centrée sur le couple et son fonctionnement. Mr & Mrs Smith cuvée 2024 parle des relations amoureuses contemporaines, comment chacun possède ses propres envies, comment chacun refuse de faire certains compromis pour finalement en faire d’autres, comment chacun envisage le long terme tout en s’accommodant des casseroles de l’autre. La série ne tombe pas dans le piège d’en faire une comédie romantique saupoudrée d’action mais rentre très vite dans le vif du sujet pour s’attaquer à des thématiques claires. C’est là que la série tire son épingle du jeu: réussir à mélanger ses questionnements émotionnelles avec des missions de plus en plus dangereuses, où les griefs personnels impactent forcément sur la réussite ou non de leur objectif. Cela donne des séquences savoureuses, comme cet épisode où ils reçoivent un autre couple “Smith” chez eux lors d’un dîner à quatre, jouant tous les codes de ce genre de dîner, au travers d’anecdotes d’assassinats et de risques à prendre. Comme si la vie d’agents secrets n’était finalement qu’un métier comme un autre, n’affectant pas plus que ça la vie quotidienne.
Si cette saison 1 (si cela continue) est globalement satisfaisante dans son ensemble, il manque un petit quelque chose pour rendre la série excellente. Le couple Glover/Erskine est parfait et leur alchimie est palpable à l’écran, chacun jouant une partition de personnage complexe, intériorisant beaucoup de choses et possédant un charme certain. Mais la mise en scène, notamment les parties plus “action”, manquent d’originalité et de spontanéité. Elles ne sont pas désagréables, mais vu le pedigree de l’équipe d’Atlanta qui a fait naître de merveilleux épisodes, on s’attendait à mieux. Les dialogues font mouches, les situations aussi, mais on sent un certain classicisme dès qu’il faut faire parler la poudre, et c’est un poil dommage. Reste que l’approche de la série est plutôt rafraîchissante, ne parlera probablement pas à ceux qui cherchent la même ambiance que celle du film, qui n’a pour le coup plus grand-chose à voir, excepté la thématique du couple d’agents secrets. Espérons une saison 2 pour venir confirmer les bonnes premières impressions.
Mr & Mrs Smith / Créée par Francesca Sloane & Donald Glover / Avec Donald Glover, Maya Erskine, Paul Dano, John Turturo, Sharong Horgan, Billy Campbell / Une saison (8 épisodes) disponibles sur Prime Video
[#manga] - Akane-banashi
Difficile de trouver la dernière petite perle dans le milieu très prisé du shonen. Que ce soit les vieux de la vieille comme One Piece ou les nouveaux venus qui ont su trouver leur place comme My Hero Academia ou Jujutsu Kaisen, le shonen a toujours été une histoire de bastons et de lutte du bien contre le mal, avec ce héros en apparence anodine qui démontre toute sa puissance. Alors quand un nouveau shonen débarque avec sa petite réputation sans aucun personnage qui se bat pour démontrer sa toute-puissance, on ne peut que être curieux. Et effectivement, Akane-banashi s’impose avec une certaine évidence comme un shonen solide aux codes éprouvés mais qui se distingue des autres par sa thématique principale: le rakugo.
Les shonens thématiques comme le sport, la cuisine, le vin ou la boulangerie sont légion, se servant de n’importe quel prétexte pour y apposer ses codes et faire découvrir un environnement inédit. Ici, le rakugo est d’autant plus surprenant qu’il ne se prête pas au premier abord aux codes du shonen. Le rakugo est un art typiquement japonais: c’est une forme de spectacle où un narrateur vient se placer assis face à un auditoire pour y conter une histoire, généralement humoristique. Le conteur se sert généralement d’anecdotes ou de faits divers pour venir introduire le récit, et joue également les personnages de l’histoire en changeant son jeu, son intonation, sa voix. Un mélange entre du théâtre et du stand-up, en somme, se jouant dans des théâtres appelés yose.
Akane-banashi prend place à notre époque. La jeune Akane est fan de son père, pratiquant le rakugo, mais lorsque celui-ci tente un examen pour passer au grade de maître, il est humilié sans raison apparente par l’un des juges qui le bannit à vie du monde du rakugo. Des années plus tard, Akane reprend le flambeau pour réaliser son rêve et découvrir la raison du renvoi de son père. Dès le début, le manga de Moue Takasama et Suenaga Yuki impressionne par la maîtrise de la narration et la justesse du trait. Les séquences de rakugo sont superbement mise en scène, et même si les contes proposées ont l’air d’être des histoires populaires au Japon, le lecteur occidental n’est jamais perdu: les cases parviennent à retranscrire la subjugation du public à travers leurs réactions et leur enthousiasme, renforcés par les pensées des gens extérieurs qui observent la scène d’un point de vue critique. Un trope éprouvé dans le shonen, mais qui fonctionne toujours autant.
C’est ce qui rend Akane-banashi aussi étonnant: les mécaniques du shonen sont évidentes à la lecture, mais leur imbrication paraît tellement naturelle qu’on se surprend à continuer la lecture avec une certaine facilité. Le rythme soutenu y joue pour beaucoup, enchaînant les péripéties et les nouvelles rencontres avec des archétypes de personnages bien croqués. Sauf qu’au lieu de les attribuer de pouvoirs spéciaux, chaque participant se distingue par sa façon de narrer l’histoire. Que ce soit en cassant l’image qu’ils peuvent renvoyer, en jouant sur leurs gestes ou leur posture, ou simplement sur leur façon de réinterpréter une histoire connue, les conteurs que l’on croise au fil des pages sont tout de suite identifiables. Akane-banashi ne cherche pas l’originalité mais mise tout sur l’efficacité et la fraîcheur de son univers, allant même jusqu’à l’habituel tournoi typique des shonen. L’héroïne est immédiatement attachante, et les personnages installés au fil de l’histoire ont beaucoup de potentiel. Un manga très prometteur, qu’on espère voir continuer sur cette lancée.
Akane-banashi / Moue Takamasa & Suenaga Yuki / Editeur: Ki-oon / 4 tomes (en cours)
Les films gratos du mois
Ce mois-ci: excellente période pour les cinéphiles, autant sur le service public que sur les autres chaînes. France.tv continue de régaler, avec la poursuite de son cycle sur Alfred Hitchcock et quatre nouveaux films, mais rajoute également cinq films de Quentin Dupieux pour se faire une petite rétrospective, ainsi que quelques incontournables comme Taxi Driver ou Stand by Me. Côté Arte, belle prise avec la trilogie Infernal Affairs, qui aura inspiré Scorsese à en faire un remake avec Les Infiltrés.
Wrong (Quentin Dupieux - 2012)
Réalité (Quentin Dupieux - 2015)
Au poste ! (Quentin Dupieux - 2018)
Wrong Cops (Quentin Dupieux - 2014)
Rubber (Quentin Dupieux - 2010)Le rideau déchiré (Alfred Hitchcock - 1966)
Frenzy (Alfred Hitchcock - 1972)
Sueurs froides (Alfred Hitchcock - 1958)
L’ombre d’un doute (Alfred Hitchcock - 1943)Taxi Driver (Martin Scorsese - 1976)
Stand by Me (Rob Reiner - 1987)
La belle et la meute (Kaouther Ben Hania - 2017)Infernal Affairs (Andrew Lau - 2002)
Infernal Affairs 2 (Alan Mak & Andrew Lau - 2003)
Infernal Affairs 3 (Alan Mak & Andrew Lau - 2003)
Playlist du mois
Ce mois-ci, une sélection augmentée avec beaucoup de styles différents. Le jeu vidéo aura apporté quelques perles indépendantes comme la BO étrange mais envoûtante de Ultros, et les chants marins de Skull and Bones, ou l’ambiance paranormale de Pacific Drive. Bien que le jeu soit sorti l’année dernière, Octopath Traveler 2 a une place de choix car la soundtrack est enfin arrivée sur les plateformes de musique.
Côté ciné, Dune: deuxième partie domine le haut du tableau par l’ambition musicale et les thèmes de Hans Zimmer (avec ses détracteurs), et la série Masters of the Air offre quelques morceaux inspirés. Scavengers Reign sorti l’année dernière a lui aussi son album qui vient de débarquer, on en profite, tandis que l’anime Frieren, remarquée à raison et encore en cours, profite déjà d’une très belle bande originale.
Comme d’habitude, la playlist 2024 version Spotify s’étoffe tout au long de l’année, avec des morceaux des œuvres cités en rab pour les curieux.
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Playlist Youtube accessible en cliquant sur l’image
Misc
Nintendo aura régalé les fans de Zelda avec la retransmission (accessible en replay ci-dessous) du concert orchestral sur The Legend of Zelda. Trente minutes de bonheur pour les oreilles.
En dehors de Your Name et Suzume, Makoto Shinkai possède une filmographie assez fourni, et cette vidéo permet de se remettre les images en mémoire.
J’ai bien fait de mettre le rattrapage le mois dernier: Naughty Dog a publié son documentaire sur le développement de The Last of Us Part 2. A travers deux heures, ils reviennent sur le développement difficile, laissant la parole à l’équipe et aux soucis de production que cela a engendré, notamment le crunch, avec pas mal de recul pour mieux repenser leur manière de fabriquer les jeux (sous-titré en FR)
Toujours Thomas s’aventure dans le lore d’Alan Wake ainsi que de l’univers connecté des jeux Remedy (Max Payne, Control), bien plus vaste qu’il n’y paraît. Attention, petite vidéo de deux heures (mais passionnant)
Saviez-vous que le réalisateur de Donnie Darko a tenté un film qui a quasiment tué sa carrière dans l’œuf ? Retour sur ce film étrange qu’est Southland Tales
NoClip propose comme à son habitude un gros making-of sur le récent Return to Monkey Island, en permettant à ses créateurs de s’exprimer sur son développement