Ce mois de mars a été ponctué par un événement tragique pour le monde de la culture: celui du décès du mangaka Akira Toriyama, auteur de Dr Slump mais surtout de Dragon Ball. Une oeuvre majeure que tout le monde connaît, que ce soit à travers l’anime des années 90 ou son manga de 42 tomes. Chacun y est allé de son petit hommage, même Libération en a fait sa Une avec une très belle nécro pour illustrer la carrière de l’artiste qui aura fait rêver bon nombre de lecteurs. Car l’influence de Dragon Ball est indéniable et surtout transgénérationnel.
Difficile d’expliquer les ingrédients magiques qui font de Dragon Ball une œuvre qui vit toujours et reste aussi forte alors que le manga aura 40 ans cette année, mais les codes du shonen ont grandement évolué grâce au succès du manga. Tous les auteurs qui sont venus après s’en sont inspirés un jour ou l’autre. Les archétypes de ce genre de manga ne sont pas en soi révolutionnaires dans l’œuvre de Toriyama, mais il est parvenu à marquer les esprits par son évolution notable de la puissance des personnages, souvent symbolisés par une évolution stylistique ou la dernière attaque au dernier moment afin de sauver toute l’humanité. Même les tournois dans les shonen ont pris une saveur différente avec Dragon Ball, l’occasion de faire affronter de multiples personnages avec divers retournements de situation pour appâter le lecteur. Une relecture du parcours initiatique d’un héros, à grands coups de légèreté, d’humour grivois et d’un lore qui va jusqu’à faire grandir son héros pour élargir son cercle familial et aller toujours plus loin dans les histoires.
Mais c’est surtout son univers graphique qui aura marqué les esprits. Si la grande majorité du public connaît Dragon Ball par le prisme du Super Saiyen, ses cheveux jaunes et sa tenue orange emblématique, Toriyama est aussi un grand fan de maquettes, profitant du manga pour apposer des designs de véhicules tout aussi fou et réussis les uns que les autres. L’humour gagesque notamment dans Dr Slump marque aussi les œuvres du mangaka, confirmé avec le début de Dragon Ball, bien plus léger et drôle. On notera aussi ses grandes collaborations avec le jeu vidéo, principalement pour la série des Dragon Quest, mais également sur Chrono Trigger, Blue Dragon ou encore les deux jeux de combat Tobal. Un immense artiste nous a quitté, et nul doute que l’on mangera du Dragon Ball pendant encore longtemps.
Mais le jeu vidéo, ce ne sont pas que des jeux aux designs cools, c’est aussi des affaires nettement plus dramatiques, comme celle de Sweet Baby Inc. Certains se souviennent du Gamergate il y a quelques années, lorsqu’une vague de harcèlements a touché des femmes journalistes et autres secteurs liés au jeu vidéo après les accusations d’une relation entre un journaliste et une développeuse.
Pour le cas qui nous intéresse, Sweet Baby Inc est une entreprise de consulting engagée dans de nombreux gros jeux récents, comme God of War: Ragnarok, Alan Wake 2 ou Suicide Squad: Kill The Justice League. Un groupe Steam nommé “Sweet Baby Inc detected” est apparu récemment afin de lister les jeux liés à cette entreprise. En cause: certains internautes sont persuadés que Sweet Baby Inc est responsable de la “wokisation” de ces jeux, que ce sont eux à l’origine des idées progressistes qui ne leur conviennent pas. Le groupe a également été suivi par un Discord avec un certain nombre de participants, n’hésitant pas à s’organiser pour aller harceler les personnes concernés, commenter les choix de ces jeux et prônant le mouvement MAGA (Make America Great Again).
On se doutait bien que ces affirmations ne reposaient pas sur grand-chose, mais certains médias sont allés vérifier les dires pour apporter des éclaircissements aux services proposés par Sweet Baby Inc. Sans surprise, l’impact de l’entreprise est très minime et concerne parfois de petites choses, ou des conseils sur la représentation de personnages déjà choisies par le studio qui vient les embaucher. Si les joueurs haineux reprochent par exemple à Sweet Baby Inc d’avoir humilier Batman dans le dernier jeu Suicide Squad, l’entreprise révèle qu’ils n’ont fait qu’écrire des lignes de dialogues pour des PNJs random disant des phrases aussi anodines que “Bienvenue dans notre ville”. De même que le choix de la couleur de peau de Saga Anderson dans Alan Wake 2: c’était un personnage déjà choisi par le studio Remedy et basé, comme ils le font sur chaque titre, sur l’actrice qui s’occupe de la motion capture et du doublage. Sweet Baby Inc n’aurait finalement travaillé que sur la backstory du personnage et comment la rendre crédible et intéressante par rapport au scénario du jeu (dont son passé a de l’importance dans l’histoire pour ceux qui y ont joué).
Beaucoup de gens découvrent l’existence de ce genre d’entreprise externe pour aider des gros studios dans ce genre de travail. Un bon prétexte pour leur donner des fausses responsabilités et des billes à des joueurs frustrés de ne pas voir suffisamment de poitrines généreuses dans leurs jeux, ce qui leur suffit pour attaquer et harceler des personnes qui ne pensaient sans doute pas avoir ces torrents de haine. Le complotisme est encore une fois de mise, et il est regrettable de voir encore ce genre de comportements en 2024.
[#jeu vidéo] - Balatro
“J’arrête quand je veux”. C’est la phrase qui arrive très vite en tête lorsque nous autres, pauvres joueurs crédules, lançons cette énième run de Balatro. Petite pépite indépendante sorti il y a quelques semaines et développé par une seule personne (au sein de son studio LocalThunk) le jeu s’est vite fait une place dans le top des ventes Steam jusqu’à finir dans les mains d’Adrien Ménielle du Floodcast qui a vainement tenté d’expliquer les règles du jeu. Lorsqu’on lance Balatro pour la première fois, on est désarçonné par l’aspect simpliste de ce jeu de cartes, avec une esthétique aux couleurs éclatantes et aux volutes dignes de la demoscene. Mais au fil des parties, on comprend que ce rogue-lite est bien plus complet et subtil qu’il ne laisse présager.
Essayons d’expliquer simplement les règles: Balatro pourrait être apparenté au poker, dans le sens où il faut jouer le même type de mains pour marquer des points, comme la double paire, le brelan, la suite, etc… Sauf que Balatro est bien un jeu solo. Les mains que vous jouez servent à atteindre un certain objectif de points grâce à deux données: les “chips” en bleu, qui sont les points classiques (un 8 vaut 8, un As vaut 11…) et les “mult” en rouge qui sont les multiplicateurs de ces points, liés à la puissance de la main jouée (un carré vaudra plus de “mult” qu’une paire par exemple). La manche se déroule donc comme suit: vous tirez huit cartes dans votre jeu et vous avez le choix de sélectionner au maximum cinq cartes, soit pour les jouer et tenter de marquer des points, soit pour les défausser et les remplacer par d’autres cartes de votre jeu. Chaque manche possède un nombre de défausses limitées mais aussi de mains à jouer, et si vous n’arrivez pas à faire les points demandés avant que ce nombre arrive à 0, c’est perdu.
Jusque-là, ça paraît plutôt simple, sauf que chaque manche augmente le nombre de points à réaliser, il paraît donc impossible d’y arriver car les points que vous faites pour chaque carte et chaque main sont fixes. Du moins au début de la partie car c’est là tout l’intérêt de Balatro. Chaque manche gagnée vous octroie un petit pécule (plus ou moins élevé suivant les risques que vous prenez - par exemple vous gagnez des dollars supplémentaires à chaque main non jouée). Entre chaque manche, vous arriverez dans un magasin avec votre argent en poche pour acheter de quoi créer votre build. On a tout d’abord des cartes Jokers stockables dans votre inventaire (jusqu’à 5), qui ont de nombreux effets pour décupler les points suivant certaines conditions. Ça peut être par exemple plus de Multiplicateurs à chaque carte impaire jouée, des points en plus cumulée sur chaque carte jouée ou encore une carte joker Fibonacci qui rajoute des points sur les cartes As, 2, 3, 5 et 8. Certaines sont plus spécifiques, comme la possibilité de faire des suites avec seulement quatre cartes, ou de copier l’effet du joker de droite.
Une multitude de possibilités, auquel on peut ajouter des boosters de cartes à ouvrir pour modifier d’autres paramètres. Les cartes de tarot, que l’on utilise soit directement au magasin, soit pendant une manche, permettent de modifier les cartes du jeu, comme rajouter un multiplicateur si la carte reste dans la main, ou grimper la valeur de 1 de deux cartes choisies. Les cartes planètes font monter le niveau des mains jouées, afin de faire encore plus de points avec vos suites ou vos carrés. Enfin, les cartes spectrales sont bien plus radicales: elle peuvent changer une dizaine de cartes de votre jeu en une seule valeur aléatoire, ou rajouter un emplacement de joker, souvent au prix d’un sacrifice comme une carte en moins lors du tirage. Ajoutez à ça la possibilité d’avoir des cartes brillantes ou chromées, ce qui rajoute également des multiplicateurs, et vous aurez un gameplay qui permet de complètement truquer votre jeu de 52 cartes pour l’adapter à votre build et votre partie.
Enfin, pas tout à fait, puisque le facteur chance est à prendre en compte, bien plus que dans d’autres rogues-lites. Puisque votre build dépend des jokers et autres cartes que vous pouvez avoir dans le magasin, il faut arriver à récupérer les bonnes cartes au bon moment. Certaines forcent la chance, comme cette carte qui va vous donner une carte planète de la main que vous jouez le plus, mais tout se joue généralement sur les premières manches, qui vont aiguiller votre build de la partie: est-ce que vous allez privilégier la paire, la suite ou la couleur ? Et il faut garder à l’esprit que votre build doit s’améliorer pour pouvoir faire toujours plus de points et arriver au bout des huits tours, comportant chacune trois manches, dont un boss. Ah oui, les boss, je n’en ai pas parlé. Ils rajoutent une condition particulière qui peut complètement ruiner votre deck, comme par exemple enlever les points de toute une couleur ou - l’un des pires - réduire le niveau d’une main à chaque fois que vous la jouez. Il y a évidemment des possibilités de changer ces conditions, de même que le jeu permet de sauter une manche pour récupérer un gros bonus, mais en sacrifiant un passage en magasin.
Bref: une multitude de règles mais qui apparaissent limpides une fois le jeu en main. Car Balatro est façonné de manière à ce que les joueurs ne soient jamais perdus. Toutes les infos seront accessibles à tout moment, que ce soit le niveau des mains que vous jouez jusqu’aux cartes restantes dans votre jeu lors d’une manche. Balatro ne vous prend jamais en traître en vous demandant de compter les cartes, et ces infos permettent d’optimiser les statistiques en défaussant intelligemment suivant les cartes restantes pour en obliger une à sortir facilement. Même la direction artistique colorée, bardée de sons aguicheurs et de petits effets vient titiller la satisfaction sensorielle. Côté contenu, il y a beaucoup de cartes à débloquer, et chaque partie se lance avec un deck précis qui donne un petit bonus (une défausse en plus, 15 dollars en poche), mais vous demandera de monter la difficulté pour aller de plus en plus loin en enlevant des avantages. Bref, Balatro, c’est très prenant, et même si le hasard est très présent dans le titre, il reste parfait pour les petites parties sur le pouce. La finition est tellement bonne qu’on se demande pourquoi il n’est pas sorti avant. Peut-être pour éviter de lancer une bande d’accros dès le début d’année. Et si vous vous posez la question: oui, une version iOS et Android est prévue.
Balatro / Développé par LocalThunk / Sortie le 20 février 2024 / Disponible sur PC, PS4/PS5, Xbox One/Series Switch / Prix: 14 euros
[#anime] - Frieren
Dans un monde d’héroic-fantasy, somme toute classique, les démons sont monnaie courante et des héros doivent lutter contre eux pour restaurer la paix. Un petit groupe d’aventuriers, conduit par le héros Himmel et composé du nain Eisen, du prêtre Heiter et d’une mage elfe Frieren, parvient à tuer le roi des démons après une quête de dix ans. La paix est donc revenu et le petit groupe est soulagé d’avoir réussi leur mission tant bien que mal, afin de profiter d’un repos bien mérité après une aventure aussi longue. Sauf Frieren, la magie elfe qui est déjà âgée de plusieurs centaines d’années. Elle n’arrive pas à concevoir que pour les humains, cette quête de dix ans restera le pinacle de leur vie alors que ce n’est qu’une goutte d’eau dans sa propre existence. 50 ans plus tard, elle retourne voir Himmel, bien plus âgé, et parvient à échanger quelques mots avant que celui-ci meurt de vieillesse. Frieren se rend alors compte qu’elle n’a pas eu le temps d’apprendre à le connaître et qu’elle n’a jamais réellement compris les humains. Elle décide d’entreprendre sa propre quête pour trouver un endroit où les âmes des défunts résident afin d’échanger de nouveau avec Himmel. Elle embarque avec elle une petite troupe d’apprentis dans sa quête.
Présenté comme ça, l’histoire de Frieren donne l’impression de commencer par la fin. C’est pourtant bien le début du récit, celui d’une elfe à l’existence tellement longue qu’elle a oublié la notion de profiter de chaque instant. Adapté du manga de Tsukasa Abe et Kanehito Yamada, cette première saison de l’anime a rapidement trouvé un certain succès avec ses 28 épisodes réalisés par le studio Madhouse et diffusés chez Crunchyroll en France. En apparence, l’anime possède un univers plutôt éculé: des elfes, des nains, de la magie et des démons. Rien de particulier qui pourrait le faire sortir du lot. Mais c’est justement son idée de départ qui rend l’œuvre atypique. Car la promesse de l’histoire est de ne pas se concentrer sur l’aventure elle-même mais ce qui vient après. Comment vivre dans un monde en paix ? Comment on apprend à mieux connaître ses semblables et surtout, à mesurer l’impact de nos actions sur le monde qui nous entoure ? Le détachement du personnage de Frieren est ce qui la rend diablement intéressante, parce qu’elle comprend peu à peu les moments dont elle est passée à côté durant sa quête et c’est ce qui va être le moteur des épisodes. Si on met de côté quelques arcs narratifs qui proposent son lot de (chouettes) scènes d’action, Frieren est une ode à la tranquillité et à la banalité du quotidien. Une série qui prend son temps et qui met l’emphase sur le service aux autres et comment interagir avec la communauté.
Tout est fait pour montrer à quel point chaque geste a son importance, ces petites quêtes pour aider des villageois à nettoyer la plage en contrebas avant d’admirer le soleil couchant, ou nettoyer la statue du héros Himmel afin qu’elle resplendisse à nouveau, rappelant des souvenirs à Frieren. Et la série ne loupe pas des moments de comédie, notamment grâce à la relation entre l’elfe et ses deux apprentis: Fern, une mage adolescente qu’elle a pris sous son aile et Stark, un jeune guerrier que le nain Eisen a formé après leur quête contre le roi démon. Chacun a ses petits défauts, ses failles, encore plus pour Frieren elle-même: même si la puissance du personnage ne fait aucun doute, elle est également bordélique, maladroite dans sa relation avec les autres et préfére attendre plutôt que réagir, sans avoir la même notion du temps que les humains.
Pour illustrer ces aventures du quotidien, le studio Madhouse n’a pas lésiné sur les moyens et propose un anime de grande qualité, de part le soin apporté à l’image et à la mise en scène léchée. On est évidemment à l’opposé d’animes bien plus énervés comme Demon Slayer ou Jujutsu Kaisen, mais Frieren possède une vraie patte dans ses environnements, dans le soin apporté à l’animation, dans les scènes essentielles, toujours qualitatives. Il y a ce qu’il faut, là où il faut, donnant l’impression d’un travail d’orfèvre sur chaque plan de la série, profitant du rythme lancinant de l’histoire pour profiter au maximum de chaque image. C’est étonnant de voir qu’à l’heure où les animes rivalisent de moyens pour mettre l’accent sur l’épique et l’action à tous les niveaux, au point de créer des environnements toxiques et des animateurs épuisés, le rythme et la tranquillité de l’univers de Frieren apparaissent comme rafraîchissants, et surtout renouant avec des thématiques fortes et universelles. C’est finalement là que Frieren tire son épingle du jeu: jouer avec les codes de l’héroïc-fantasy pour mieux parler de l’émotion humaine.
Frieren / Réalisé par Keiichiro Saito & le studio Madhouse / Avec les voix de Atsumi Tanezaki, Kana Ichinose, Chiaki Kobayashi, Nobuhiko Okatomo / Une saison (28 épisodes) disponibles sur CrunchyRoll
[#série] - Poker Face
D’un côté, Rian Johnson: réalisateur du controversé Star Wars Episode VIII ainsi que des deux films Knives Out (A couteaux tirés). De l’autre, Natasha Lyonne: actrice et productrice marquante qui aura commencé à être repéré par le grand public dans la série Orange is the New Black avant de prendre son envol dans la série Russian Doll. Ces deux éléments vont s’associer pour créer la série Poker Face, une production de la chaîne Peacock. La série ne repose pas sur un fil rouge comme le font beaucoup de séries actuelles, mais reprend le principe des “procedurals”, soit un épisode = une histoire, avec une légère trame de fond, et des enquêtes au milieu. Sauf que Poker Face n’est pas tout à fait une série policière comme on en voit tant.
La série met en scène Charlie Cale, une femme forcée de bosser dans un casino à cause d’une carrière de poker écourtée beaucoup trop vite. Car Charlie a un don spécial: c’est un détecteur de mensonges sur pattes, capable de dire immédiatement si quelqu’un raconte des salades ou non. Une capacité qui lui a valu de devoir travailler pour un ponte d’un grand casino, avec interdiction formelle de jouer une partie. Mais pour des raisons que l’on découvre dans le premier épisode, elle se retrouve à bord de sa Plymouth Barracuda de 1969 à traverser les Etats-Unis, allant de petit boulot en petit boulot. Manque de bol, elle croise également la route de meurtriers en herbe qui auraient bien aimé camoufler leur crime sans être inquiéter.
Présentée comme ça, Poker Face n’a pas forcément beaucoup d’atouts dans sa manche pour rivaliser avec les cadors du genre. Mais Rian Jonhson est un petit malin car l’influence principale de la série s’avère être Columbo. Ce qui est une différence de poids car cela transforme la série non pas en “whodunnit” mais en “howcatchem”, à savoir “le spectateur sait qui a fait le coup et il va découvrir comment il se fait coincer”. Un procédé risqué car il est compliqué de tenir en haleine celui qui connaît déjà le meurtrier et son modus operanti. Mais tout comme Columbo, Poker Face dispose d’un vrai talent d’écriture pour créer de chouettes situations afin d’expliquer les relations entre les victimes et leurs assassins. Car chaque épisode débute forcément par installer un contexte et le meurtre qui devra être résolu pendant l’épisode, afin d’impliquer au maximum le spectateur et l’héroïne elle-même. Et c’est quand Charlie Cale rentre dans le cadre de l’histoire que l’on se rend compte qu’elle était déjà là durant une partie de l’histoire mais que la série ne s’y intéressait pas. Charlie Cale n’est pas flic, il faut donc trouver une manière de l’investir dans l’enquête, et Poker Face y arrive diablement bien. Chaque histoire propose son lot de surprises, un décorum différent et surprenant (une maison de retraite, un café théâtre) et son lot de guests stars venus s’amuser en tant que victime ou meurtrier (Adrien Brody, Ron Perlman, Chloë Sevigny, Nick Nolte ou encore Luis Guzman).
Et il fallait bien Natasha Lyonne et son franc-parler pour incarner cette femme qui vit au jour le jour, s’attirant l’amitié de nombreux personnages par sa sincérité et la vérité qu’elle distille grâce à son don. Elle est la seule à ne pas se laisser embobiner par les nombreux mensonges qui traversent toute la série, qui balance son lot de “bullshits” dès que le coupable laisse échapper une phrase de trop et sera son erreur fatale. Evidemment, les fausses pistes sont légions et il y aura toujours le bon indice au bon moment pour débloquer la situation, mais Poker Face n’a pas vocation d’être réaliste. Elle est surtout là pour proposer, le temps d’un épisode, une histoire accrocheuse tout en brossant le portrait de personnages hauts en couleurs, aussi bien chez les meurtriers que chez les victimes. Impossible de ne pas noter que chaque coupable a l’air d’être un génie du mal, capable de faire passer un meurtre pour un accident avec une aisance désarmante, mais Poker Face est une série purement divertissante par son écriture jubilatoire et ses idées pour faire vivre un microcosme le temps d’une histoire. Et bien souvent, c’est le plus important.
Poker Face / Créée par Rian Johnson / Avec Natasha Lyonne, Benjamin Bratt, Simon Helberg, Adrian Brody, Hong Chau, Nick Nolte, Ron Perlman / Une saison (10 épisodes) disponible gratos sur TF1+ (précisément ici)
[#film] - Vampire Humaniste Cherche Suicidaire Consentant
Sasha est une jeune vampire ado de 80 ans et elle vit encore chez ses parents, car elle refuse de mordre des gens pour se nourrir, ne supportant pas de faire du mal aux humains. Elle se contente de poches de sang pour se sustanter, mais sa famille prend la décision de couper les vivres pour la forcer à survivre d’elle-même et être indépendante en tant que vampire. Elle fait alors la rencontre de Paul, un adolescent solitaire qui se fait harceler par ses camarades, autant à l’école que sur les lieux de son petit boulot. De plus en plus sous pression, il pense se suicider pour en finir avec sa vie mais à la venue de Sasha, il se dit que lui offrir sa vie pour l’aider serait un échange de bons procédés.
Voici un pitch de film plutôt intriguant pour ce film québécois réalisé par Ariane Louis-Seize. Après Simple comme Sylvain, le cinéma québécois continue de bien s’importer en hexagone, faisant preuve d’une créativité marquante. Ici, le film de vampires s’allie au teen movie pour proposer un cocktail assez détonnant et marquée par le duo de comédien: Sara Montpetit et Félix-Antoine Bénard. Si le film possède déjà de beaux moments de comédie par son contexte incongru et les problématiques familiales liées au thème du vampire, c’est ce couple à l’écran qui fascine et impressionne par son naturel et sa capacité à montrer deux adolescents aussi mal à l’aise l’un que l’autre. Les deux personnages se trouvent mutuellement et happent le spectateur par cette douceur et cette fragilité, incarnés dans de belles séquences dont une scène musicale parfaite qui installe en cinq minutes un lien spécial, touchant et naïf.
Et c’est cette empathie qui définit le film: comment la moralité des adultes peut affecter les adolescents, comment les règles écrites ne doivent pas systématiquement être suivies, parce que chacun est différent et qu’il faut s’adapter pour pouvoir comprendre et tracé le lien empathique. Le film parvient très bien à mélanger les scènes légères et drôles, notamment avec la cousine Denise qui joue à fond sur l’humour noir et sa capacité à forcer Sasha à être ce qu’elle n’est pas, tout en allant taper sur des thématiques adolescentes sérieuses. Le suicide n’est jamais pris à la rigolade comme on pourrait le penser en lisant le pitch, mais comme un sujet sérieux qui impacte le personnage de Paul et son mal-être.
Une vraie volonté de ne pas faire du film une comédie divertissante. Vampire humaniste tient son concept jusqu’au bout, et à approfondir ces thèmes avec une vraie sensibilité actuelle. Un film résolument charmant, non sans défauts, mais qui parvient à parler de l’adolescence avec une certaine sincérité. Le film de genre vampirique n’est ici qu’un prétexte pour créer des situations comiques mais aussi pour y amener des thématiques plus délicates et réussissant à ne jamais tomber dans la gratuité, ce qui est déjà en soi un tour de force. Une vraie curiosité qui se regarde, avec en prime de succulents accents québécois.
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant / Réalisé par Ariane Louis-Seize / Avec Sara Montpetit, Félix-Antoine Bénard, Steve Laplante, Sophie Cadieux /Sortie le 20 mars 2024
Les films gratos du mois
Ce mois-ci: France.tv nous régale avec deux films de Fincher, dont The Social Network, absolument immanquable film des années 2010. Mais Mustang est aussi une pépite à ne pas louper, récompensé aux Césars, tandis que le cycle Hitchcock se termine avec deux films. Arte de son côté, rend hommage à l’actrice Sandra Hüller, que l’on a pu retrouver coup sur coup dans Anatomie d’une chute et Zone of Interest. Evidemment, pas mal de films des mois précédents sont toujours disponibles, et toujours gratos.
The Social Network (David Fincher - 2010)
Mange, prie, aime (Rian Murphy - 2010)
Panic Room (David Fincher - 2002)
Mustang (Deniz Gamze Ergüven - 2015)
Le sourire de Mona Lisa (Mike Newell - 2004)Complot de famille (Alfred Hitchcock - 1976)
Mais qui a tué Harry ? (Alfred Hitchcock - 1955)Les passagers de la nuit (Mikhaeël Hers - 2022)
Toni Erdmann (Maren Ade - 2016)
Amour fou (Jessica Hausner - 2015)
Une valse dans les allées (Thomas Stuber - 2018)
Playlist du mois
Ce mois-ci, difficile de passer à côté de la musique de Final Fantasy VII Rebirth qui, encore une fois, offre une nouvelle jeunesse à la musique de 97 avec des réorchestrations absolument sublimes. Bon, la BO complète arrivera bien plus tard sur les plateformes, mais nous avons quand même un petit apéritif de cinq morceaux. A part ça, Genshin Impact balance sa fournée de musiques additionnelles parfaites pour avoir une belle BO en fond sonore, Rise of Ronin signe le retour de Inon Zur et GrandBlue Fantasy: Relink régale le reste des fans de J-RPG. Il faudra se mouiller la nuque avant de lancer le morceau électro mais très cool de The Finals.
Côté ciné, peu de grosses sorties ce mois-ci, vu que la tempête Dune 2 souffle encore sur les plaines de la Bretagne armoricaine. Des séries comme Manhunt ou Shirley tirent leur épingle du jeu et Kungfu Panda 4 sort une soundtrack honnête.
Comme d’habitude, la playlist 2024 version Spotify s’étoffe tout au long de l’année, avec des morceaux des œuvres cités en rab pour les curieux.
» Accéder à la playlist Spotify de 2024
Playlist Youtube accessible en cliquant sur l’image
Misc
Premier hommage pour Akira Toriyama dans l’émission de culture japonaise Sumimasen Turbo. Près de trois heures passionnantes pour revenir sur la carrière du mangaka.
Petit focus chez Ecranlarge sur le film Le Projet Blair Witch, ou comment un projet étudiant est devenu un vrai phénomène et a lancé toute une tendance du found footage.
At0mium continue son format Vue Subjective en revenant en profondeur sur un jeu culte/méconnu. Cette fois-ci, c’est Snatcher qui a le droit à une petite analyse, un jeu important puisque ce n’est nul autre que l’un des premiers jeux de Hideo Kojima (Metal Gear Solid)
Arte propose toujours des chouettes programmes courts, comme Samuel, l’histoire d’un garçon d’une dizaine d’années qui partage ses pensées, ses expériences à l’école, ses premiers amours, tout ça à travers des petits épisodes animées de quelques minutes attachants et drôles, par Emilie Tronche (15 épisodes pour l’instant)
Dévoilé au festival d’Annecy 2023, The Spider Within: A Spider-Verse Story est un court-métrage de 7 minutes racontant une petite histoire dans l’univers de Spider-Verse autour de Miles et de la pression mise sur ses responsabilités en tant que super-héros et en tant qu’adolescent. C’est maintenant disponible
Le tout début du mois aura vu une nouvelle fois le succès de Speedons, l’événement caritatif envers Médecins du monde organisé par Mister MV, qui réunit tout plein de speedrunners pendant trois jours non-stop. Un vrai bonheur à suivre sur le pouce ou à rattraper en replay, d’autant que certains speedrunners comme Kemist ci-dessous arrivent à faire le show tout en expliquant comment il procède pour terminer un Dark Souls 3 en moins d’une heure