#25 - Père est le loup
Lone Wolf and Cub... Le loup solitaire... Pierre et le loup.... Voilà. (écoutez, on fait ce qu'on peut)
On va commencer par l’autopromo: déjà deux (2!) ans que j’ai lancé cette newsletter. Vous avez fini par comprendre, ce n’est finalement pas si aigri par ici, on est même plutôt dans la passion et l’amour de la culture (sauf dans l’édito juste en-dessous, vous allez voir). Deux ans et 130 abonnés, ce n’est pas rien et je vous en remercie. Je prends toujours autant de plaisir à écrire ces trucs, là, et si ça permet de faire toujours découvrir plus de choses aux gens, j’en suis ravi.
Au passage, petit rappel: il y a maintenant un index des œuvres chroniquées sur ces pages, avec le lien qui va avec, rangés par catégorie. Pratique autant pour vous que pour moi pour se souvenir de ce dont j’ai pu parlé dans ces lignes.
Revenons aux affaires par contre, parce que le milieu du jeu vidéo a cette fois-ci connu une période faste avec des développeurs heureux et pas virés du tout, après les fermetures de Microsoft. Non je déconne (malheureusement). L’un des plus grands drames, c’est le lancement du jeu Concord, exclusivité multijoueur Sony sorti le 23 août dernier. Un “hero shooter”, comme on dit dans le jargon, où chaque joueur incarne un héros avec ses propres capacités et intègre une équipe pour aller se batailler contre le camp adverse. Mais contrairement aux vétérans du genre que sont Valorant, Apex Legends ou Overwatch 2, Concord a choisi la voie du jeu payant: 40 euros pour jouer à ce jeu en ligne, mais sans season pass pour débloquer du contenu. Un pari risqué, surtout pour un titre qui n’a suscité aucune attente auprès d’un public qui n’en avait rien à faire. La sentence a été radicale: le 6 septembre, soit à peine deux semaines après la sortie, Concord ferme.
Une décision difficile pour les développeurs, dont certains sont sur le projet depuis quatre ans. Un projet qui a subi les quolibets de pas mal de monde, à la fois pour ses designs de personnages mais aussi d’une frange de joueurs énervés, persuadés que le jeu distille une propagande woke à cause de la diversité de ses personnages. Des gens à priori bien heureux que ça ferme, comme pour l’affaire Sweet Baby (j’en avais parlé ici) et leur fantasme d’un complot du woke, alors qu’on continue de démontrer que tout ceci est faux. Une espèce de vision binaire qui consiste à dire que si le jeu affiche des ambitions narratives et politiques et qu’il met en scène autre chose qu’un héros blanc, cis et mâle, alors c’est un jeu woke, et qu’il ruine l’aspect divertissant qu’est censé avoir un jeu vidéo. Des porte-paroles comme Julien Chièze n’aident pas à calmer ces voix sonores qui ne comprennent pas que la politique est partout. Ce n’est pas parce qu’un jeu vidéo ne parle pas de ça premier degré, qu’il ne renvoie pas une idéologie derrière. Spoiler alert: Call of Duty a beau être divertissant (pour certains), il est aussi fichtrement politique.
Tout ceci ne fera pas revenir les joueurs sur Concord, qui ne se sont pas manifestés simplement parce que le jeu n’était absolument pas attendu, et débarque surtout dans un marché où les shooters multijoueur qui cartonnent sont free-to-play. Concord ne se démarque pas de la concurrence par des points originaux et demande quand même au joueur d’aligner 40 euros, c’est un peu rude pour convaincre des joueurs qui ont déjà de quoi s’amuser chez les concurrents. Même si le jeu peut avoir des qualités indéniables, ça suffit à refroidir pas mal de monde.
Mais ça ne suffit pas et le monde du jeu vidéo continue sa crise avec toujours plus de licenciements ou des événements compliqués. Le dernier en date ? Annapurna. Une société de production qui mise à la fois sur le cinéma et le jeu vidéo. Annapurna Interactive, qui a produit des jeux comme Stray, Cocoon, Open Roads, Outer Wilds ou Flock, est donc la filiale d’Annapurna, la maison mère. Suite aux bons chiffres de cette filiale, elle a demandé à s’émanciper pour devenir une société indépendante, mais c’était contre l’avis de la fondatrice Megan Ellison, qui préfère la garder sous contrôle, probablement afin de compenser les pertes de la partie cinéma. Résultat: l’intégralité de Annapurna Interactive a démissionné suite aux échecs de négociation.
Ce qui a occasionné une légère panique justifiée pour tous les studios qui bossaient avec la société de production, cherchant à trouver un contact chez Annapurna pour assurer la sortie de leur jeu. Control 2, qui a dealé une partie de leur budget chez eux, affirme qu’ils bossent en collaboration avec Annapurna Pictures et qu’ils sont donc hors de danger. A l’heure où j’écris ces lignes, les développeurs associés ont communiqué sur le fait qu’ils continuent le développement comme prévu, mais la production des futurs titres indépendants, et surtout de leurs premières productions internes, est forcément en danger. On attendra la suite des informations.
[#film] - Tatami
A Tbilissi, en Géorgie, se déroule les championnats du monde de judo. Leila Hosseini, une judoka iranienne, est l’une des favorites du tournoi et est bien déterminée à remporter la médaille d’or, avec l’aide de son entraineuse Maryam. L’athlète est soutenue depuis chez elle par son mari, son fils et ses amis, et ses premiers matchs sont encourageants. Mais la probabilité qu’elle rencontre sa concurrente israélienne est de plus en plus forte, et elle va recevoir de fortes pressions et menaces du gouvernement iranien pour feindre une blessure et arrêter la compétition, pour éviter une confrontation avec l’Israël.
Sacré film que ce Tatami, dont la portée politique est évidente et imprègne tout le long-métrage. Réalisé par Guy Nattiv mais surtout par Zar Amir Ebrahimi dont c’est sa première réalisation, elle a également marquée les écrans par des rôles importants au cinéma récemment dans Les nuits de Mashhad, où elle remporte même le prix d’interprétation féminine à Cannes. L’actrice-réalisatrice a dû se réfugier en France suite à une affaire lié à son ex-conjoint en Iran, dont les conséquences auraient été graves dans une nation comme l’Iran. Tatami lui donne l’opportunité de s’exprimer sur son pays et notamment de la représentation de la femme en Iran et de tout ce que le gouvernement actuel impose à sa population, avec force et violence. Le film représente donc beaucoup pour la réalisatrice, qui ira jusqu’à interpréter le personnage de Maryam, l’entraineuse de Leila.
Mais la force de Tatami, c’est de ne pas uniquement parler de politique au premier degré, avec une mise en scène typique de ce genre de production, mais de le faire dans un cadre où son propos résonnera bien plus fort, en se servant du langage cinématographique et sportif pour y arriver. Servi par un format 1:33 (4/3) et un beau noir et blanc, le film prend des allures de thriller politique pour mieux appréhender les enjeux autour de Leila et Maryam, mélangé avec des sonorités de film d’espionnage. L’aspect quasi huis-clos autour de ce championnat est parfait pour amener cette pression politique dans le contexte sportif, profitant des séquences dans les couloirs entre deux matchs pour ne laisser aucune échappatoire aux deux femmes, avant de les laisser s’exprimer sur le terrain. Quand le décor s’agrandit et révèle les performances aux yeux du public, Leila exprime ses revendications et son refus de subir les pressions qu’on veut lui imposer. Le format de l’image fait écho au terrain de jeu, le fameux tatami, et permet de servir d’excellentes séquences sportives en prime, où la caméra suit les prises et les accroches jusqu’à basculer le point de vue lors de l’assaut final. Chaque coup, chaque prise, témoignent d’une rage enfouie au fond du personnage de Leila, prise entre sa volonté d’en finir avec le joug des autorités iraniennes en allant au bout de la compétition et le danger bien réel autour de ses proches restés au pays.
Si on ajoute à ça les excellentes performances de Arienne Mandi (Leila) et Zar Amir Ebrahimi (Maryam) on se retrouve avec à la fois un excellent thriller politique, un magnifique film sportif mais aussi un long-métrage qui renvoie une image forte sur l’oppression que subisse les femmes iraniennes dans leur pays. Tatami fait le bon choix d’amener le cinéma divertissant avec les enjeux classique d’un film sportif en le mâtinant de tension, rappelant un suspense à la Hitchcock, pour que ses thématiques soient le plus accessible, et que le message touche juste. Et les deux réalisateurs.rices le font avec un talent certain, peut-être parfois de façon trop automatique lorsque les événements s’enchaînent sur le dernier quart pour délivrer son propos. Mais Tatami reste un film indéniablement fort qui ne prend pas de gants tout en réalisant un excellent thriller sportif comme on en voit rarement.
Tatami / Réalisé par Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv / Avec Zar Amir Ebrahimi, Arienne Mandi, Ash Goldeh / Sortie le 4 septembre 2024
[#jeu vidéo] - Kunitsu-Gami: Path of the Goddess
Dernier titre de Capcom sorti l’été dernier, Kunitsu-Gami: Path of the Goddess se déroule dans un Japon fantasmé et médiéval, où le folklore japonais règne en maître. Dans cette région inconnue, surplombée par une montage, Yoshiro est la prêtresse du coin, chargée de la protection les habitants contre les Ikaku, des démons dangereux qui rêvent d’envahir le monde des humains. Mais la montagne se prend une méchante corruption sur la figure, et Yoshiro doit fuir son temple tout en invoquant un guerrier qui sera son garde du corps: Soh. C’est ce personnage que vous contrôlez. Ou plutôt: vous êtes une espèce d’être omniscient qui prenez le contrôle de Soh pendant qu’il protège Yoshiro, avec la possibilité de guider d’autres guerriers où bon vous semble. Car Kunitsu-Gami, sous ses airs de jeu d’action, est surtout un tower-defense. Chaque niveau représente autant d’étapes dans la progression de Yoshiro pour libérer les habitants de cette corruption et sauver la montagne.
Le jeu se structure donc en plusieurs phases: la journée, il faut s’occuper de fouiller le niveau en cours afin de libérer tout d’abord les habitants. Vous pourrez alors dépenser une ressource pour les transformer en guerrier associé à une classe que l’on débloque au fil du jeu. Le choix est vaste: entre les archers capable d’attaquer à distance, les lanciers pour repousser les gros ennemis ou encore des chamanes occupés à ralentir la progression des ennemis, on a droit à une belle panoplie très utile pour protéger Yoshiro. Car durant la journée, il faudra aussi dépenser cette même ressource pour faire avancer la prêtresse afin qu’elle libère l’endroit de la corruption avec une danse sacrée une fois arrivée au torii du bout du niveau, qui est l’origine de la création des monstres. Une fois vos unités équipées et prêtes, la nuit finit par tomber et la vague de monstres commence à débarquer.
C’est là où le mélange action et stratégie trouve toute sa richesse, puisqu’il faudra positionner vos unités afin d’éliminer, ou de ralentir le cas échéant, les créatures qui viennent s’en prendre à Yoshiro. Il faut être stratégique et bien choisir d’arrêter la progression de la prêtresse au bon endroit dans la journée, sous peine de la retrouver juste devant le torii qui déverse les vagues de monstres et ne plus avoir le temps de la défendre. Et Soh dans tout ça ? Ce sera au joueur de le contrôler, et le gardien sait se défendre dans le cœur de l’action, arrivant à taper sur des grandes zones pour stopper un point d’accès. Les combos sont simples mais efficaces, et on débloque des pouvoirs spéciaux à utiliser au bon moment, en plus des coups chargés et une rythmique de combos à bien saisir pour éliminer les ennemis avec efficacité et rapidité. Les adversaires se renouvellent très souvent, passant du simple péon qui attaque sans réfléchir à des saletés plus vicelardes, comme ces créatures kamikazes qui foncent en explosant au bout d’un certain temps. Il faudra donc user de stratégie pour couvrir tous les accès, entre Soh, ses unités mais également beaucoup d’options sur le terrain pour ralentir vos ennemis, comme des boucliers de protection, des tours pour les archers ou des tapis de pétards. Des constructions qu’il faut établir pendant la journée en faisant les bons choix car le temps est limité.
Il y a une vraie poésie qui se dégage de ce Kunitsu-Gami. Le jeu fait le choix d’être quasiment muet, sur une histoire très simple mais permettant de s’impliquer dans les enjeux. Mais tout le travail pour reconstituer ce folklore japonais, autour du sacré et du rite est impressionnant. Il y a un vrai boulot derrière le design de ces monstres, sur ce design très body-horror un peu crado mais toujours étonnant, bardée de symboles et de couleurs vives. Même les moments de rituels sont accrocheurs par leur ambiance marquée. Tout est extrêmement soigné, que ce soit dans cette musique délicate et riche, dans les belles animations de danse ou de combat ou dans l’utilisation d’objets typiques de ce folklore. Kunitsu-Gami compense ses petites faiblesses techniques par un véritable soin artistique et rafraîchissant. L’axe de caméra plus éloigné donne aussi un aspect miniature, qui renforce ce travail passionné.
Et le jeu en lui-même arrive également à se renouveler à chaque niveau, tout en proposant une jouabilité au poil. Un niveau va jouer sur deux directions à choisir pour la prêtresse, avec son lot de spécificités, ou un autre verra Soh se transformer en esprit volant sans capacité de combat, forçant le joueur à tout miser sur ses unités. On aura même droit à un passage franchement réjouissant où la troupe va devoir embarquer sur un radeau de fortune, que l’on devra défendre contre les hordes de démons tentant d’aborder votre navire. On aura évidemment les quelques boss de circonstance, qui viendront égrener l’aventure, forçant le joueur à bien penser à ses placements, notamment de la prêtresse, pour que Soh puisse se concentrer sur le boss en question. Il y a bien quelques petits bugs ici et là, une dernière ligne droite un poil flemmarde, mais Capcom tient là une petite pépite de tower defense à la direction artistique impeccable et extrêmement solide. Rien d’original sous le soleil, mais un tel mélange donne une impression de fraîcheur qui fait du bien.
Kunitsu-Gami: The Path of the Goddess / Développé par Capcom / Sortie le 19 juillet 2024 / Disponible sur PS4/PS5, Xbox Series (GamePass), PC / Prix: 50 euros
[#manga] - Lone Wolf & Cub
Au XVIIème siècle, pendant l’ère Edo, le Japon est dirigé par le shogunat Tokugawa, qui exerce son pouvoir grâce à plusieurs moyens, notamment via le clan Yagyû qui a le rôle de maître d’armes, mais aussi le kogi kaishakunin, un samouraï au service du shogunat chargé de donner le coup de grâce aux daimyos (les seigneurs) qui se donnent la mort par seppuku. Ittô Ogami est le kogi kaishakunin actuel, mais il se voit tomber en disgrâce le jour où le clan Yagyû massacre son clan et le discrédite. Faisant le choix de ne pas se faire seppuku, il préfère fuir avec son très jeune fils Daigoro afin de suivre la voie du meifumado, celui des démons et des assassins pour devenir un hors-la-loi. Il pourra alors venger sa femme et son honneur, bafoué par les Yagyû et en particulier le chef du clan, Retsudô Yagyû.
Monument du manga, Lone Wolf & Cub a été écrit et dessiné entre 1970 et 1976 par Kazuo Koike (scénario) et Goseki Kojima (dessin) et devient l’un des plus célèbres gekiga de l’époque. A l’heure où les mangas sont souvent répartis dans des catégories de tranches d’âge (shonen pour les ados, seinen pour les adultes, shojos pour les jeunes filles) où les frontières se brouillent de plus en plus vu la multiplicité des thématiques, les années 70 tranchaient avec les histoires enfantines grâce au gekiga, qui ciblaient principalement les adultes avec des histoires dramatiques. Lone Wolf & Cub a été un des pionniers, Koike ayant déjà officié sur des titres célèbres comme Lady Snowblood, mais Lone Wolf & Cub garde une place prépondérante dans l’influence internationale qu’il a généré, notamment grâce au trope du road movie d’un père guerrier et son fils. The Mandalorian n’existerait probablement pas sous cette forme sans Lone Wolf & Cub.
Alors pourquoi cette popularité ? Cela s’explique par beaucoup de choses, à commencer par une documentation saisissante et précise sur la période Edo, retranscrite dans chaque chapitre à travers les clans, l’aspect social, les règles et un lore passionnant. Chaque chapitre donne l’occasion à Ogami et Daigoro de croiser la route de nombreux personnages, souvent animés d’une morale douteuse, car Ogami propose ses services d’assassins entre deux attaques du clan Yagyû. Lone Wolf & Cub est riche d’informations mais il est surtout un véritable chef d’oeuvre de découpage et de mise en scène. Le trait est sûr, le noir et blanc bluffant, et l’auteur parvient même à glisser des techniques cinématographiques au sein même du manga, comme des fondus griffonnés sur plusieurs cases pour passer dans un flashback. Tout le cinéma japonais transparaît dans les cases du manga, et les nombreuses scènes d’action privilégient toujours le visuel plutôt que de longues scènes explicatives avec du texte à n’en plus finir. Les personnages principaux ne sont pas bavards, et toute la figure mythologique du samouraï transparaît dans l’œuvre comme une évidence.
Durant ces longues séquence de duels, d’affrontements, constamment renouvelés, Lone Wolf & Cub nous gratifient d’idées incroyables à chaque chapitre, avec un trait réaliste et sanglant, mettant en scène un Ogami sans pitié quand il s’agit d’honneur et de bravoure. Alors oui, Ogami est montré comme un personnage redoutable et sans faille, et le petit Daigoro impressionnera chaque quidam par sa maturité précoce et une perte d’innocence évidente devant tous les meurtres auxquels il a assisté. Mais le manga n’est pas là pour créer du danger autour des deux protagonistes, mais bien pour montrer qu’ils sont mus par une volonté implacable et sans merci pour aller au bout de leur vengeance. Une ligne droite sur le chemin de la violence sans concession qui les conduiront jusqu’à leur adversaire final.
Le plus bluffant, c’est que chaque chapitre peut être le chapitre de trop, que la routine et l’ennui peuvent prendre le dessus au vue de ce pitch qui peut paraître réducteur, mais Koike et Kojima parviennent à se renouveler constamment, même si la dernière ligne droite a tendance à délayer les enjeux un peu trop longtemps. Cela reste minime par rapport à l’aura de ce chef d’œuvre, qui aura bien pris le temps pour arriver chez nous en version complète et accessible. C’est désormais chose faite grâce à Panini Manga: douze énormes volumes en grand format, dans une édition somptueuse qui rend justice à l’immensité de l’œuvre. Une édition au prix fort mais qui permet enfin d’apprécier ce manga légendaire dans son entièreté, vieux de cinquante ans mais qui est encore aujourd’hui sacrément impressionnant.
Lone Wolf & Cub / Kazuo Koike & Gôseki Kojima / Editeur: Panini Manga / 600-700 pages / 12 tomes / 32 euros par tome
[#série] - ZeroZeroZero
Quel titre étrange pour une série atypique. Création originale répartie entre plusieurs pays et plusieurs distributeurs (production Canal+ entre autres), ZeroZeroZero est surtout la création de Stefano Sollima, un cinéaste italien qui a déjà prouvé son talent à travers la réalisation d’épisodes de la série Gomorra, mais surtout sa trilogie romaine (A.C.A.B, Suburra et récemment Adagio pour Netflix). Trois films qui plonge dans l’univers du polar sombre et sans concession, dont l’influence de Michael Mann se fait sentir à tous les niveaux. Et ce ne sera pas la série ZeroZeroZero qui va dire le contraire.
La série propose de suivre trois arcs narratifs s’articulant autour d’un réseau de trafic de cocaïne, à plusieurs niveaux du processus. La drogue part du Mexique, vendu par un important cartel mexicain dirigé par les Leyra, qui sont aidés par des soldats corrompus dont leur chef Manuel voit ici l’opportunité de viser plus haut. La drogue est transportée par la famille américaine Lynwood, possédant une compagnie maritime spécialisée dans le convoi de marchandises et qui utilise leurs bateaux pour transporter la drogue en secret. Le père, Edward, gère tout le processus, mais est conscient qu’il va devoir laisser la main à ses enfants, Emma et Chris. Quand aux acheteurs, ils se trouvent en Italie, dans les mains de Don Minu, un chef de la ‘Ndrangheta, la mafia de Calabre. Mais celui-ci voit sa position de plus en plus contestée, notamment par son petit-fils Stefano, et ces guerres internes vont impacter directement la dernière cargaison en date et tous les autres personnages.
Présentée comme ça, ZeroZeroZero pourrait paraître trop complexe pour son propre bien, avec trois histoires à suivre, se déroulant sur plusieurs continents à la fois. Vendeurs, transporteurs, acheteurs: on suit les trois intrigues au fur et à mesure. Mais la force de la série est de ne pas procéder comme une série chorale classique, alternant constamment les points de vue au sein d’un épisode et diluant l’intérêt de chaque séquence en éliminant les possibles moments de tension. Sollima fait le choix de concentrer chaque épisode sur un ou deux points de vue maximum (excepté le premier), afin de prendre le temps de faire évoluer les intrigues de leur côté sans relâcher la tension que peuvent donner certaines séquences ou l’évolution des personnages. Et quand il s’agit de recadrer les événements sur un autre contexte, la série prend le risque de revoir une temporalité via un autre personnage au sein même de l’épisode. Mais ça fonctionne du tonnerre. Tout est extrêmement limpide et la série ne quitte jamais un personnage avant d’avoir raconté le plus important. On reste en immersion avec chaque protagoniste le temps qu’il faut pour donner de la substance à ses enjeux, pour que le spectateur soit autant investi que possible.
Si Sollima ne réalise pas tous les épisodes, il laisse au moins sa patte sur les deux premiers, comme une lettre d’intention pour ceux qui vont lui succéder et qui arrivent sans mal à garder une cohérence visuelle. ZeroZeroZero impressionne par sa capacité à tenir une tension quand il faut et à représenter correctement les différents endroits que traversent les personnages (et on va un peu partout dans le monde). Clairement l’influence de Michael Mann n’a jamais été aussi prégnante qu’ici, jouant allègrement avec une esthétique léchée et des jeux de lumières bluffants. La musique de Mogwai n’est pas non plus pour rien dans cette atmosphère planante et libérée, les nappes musicales offrent un écrin particulièrement envoûtant pour saisir le spectateur aux tripes. On quitte ZeroZeroZero et ses huit épisodes comme un rêve halluciné et une plongée terrible dans un monde où chacun doit jouer avec sa vie pour arriver à ses ambitions. Une vraie pépite à voir absolument.
ZeroZeroZero / Créée par Stefano Sollia / Avec Andrea Riseborough, Dane DeHaan, Guisppe de Domienco, Harold Torres / Mini-série (8 épisodes) / Dispo sur Canal +
Les films/séries gratos du mois
Ce mois-ci : une collection Pedro Almodovar sur France.tv pour les amateurs, et quelques classiques plus ou moins récents comme Birdman ou Le cercle des poètes disparus, ainsi que deux film de Kore-Eda chez Arte.
La fleur de mon secret (Pedro Almodovar - 1995)
En chair et en os (Pedro Almodovar - 1997)
Talons aiguilles (Pedro Almodovar - 1991)
Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? (Pedro Almodovar - 1984)
Femmes au bord de la crise de nerf (Pedro Almodovar - 1988)Les sentiers de la perdition (Sam Mendes - 2002)
Dans la peau d’une blonde (Blake Edwards - 1991)
Une nuit (Philippe Lefebvre - 2011)
Birdman (Alejandro Gonzalez Inarritu - 2014)
Le cercle des poètes disparus (Peter Weir - 1989)La vérité (Hirokazu Kore-Eda - 2019)
Tel père, tel fils (Hirozaku Kore-Eda - 2013)
Les sept mercenaires (John Sturges - 1960)
Playlist du mois
Ce mois-ci, la rentrée offre quelques petits morceaux à se mettre sous la dent. The Plucky Squire dévoile sa bande originale, pleine de musiques engageantes et aventureuses, alors que celle de Kunitsu-Gami chroniqué plus haut va régaler vos esgourdes, ainsi que la BO chill de Caravan Sandwitch. Côté ciné/séries, Pachinko fait son retour avec sa saison 2 et le Trap de Shyamalan possède quelques mélodies tendues.
Comme d’habitude, la playlist 2024 version Spotify s’étoffe tout au long de l’année, avec des morceaux des œuvres cités en rab pour les curieux.
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Playlist Youtube accessible en cliquant sur l’image
Misc
L’évènement documentaire de la rentrée, c’est la série-docu DJ Mehdi: Made in France chez Arte qui revient sur ce producteur/compositeur en 6 parties et qui a autant permis au rap français de percer que de représenter dignement la french touch électro dans le monde entier. Et c’est passionnant rien que pour la création musicale
Toujours Thomas continue sa série de grandes rétrospectives vidéoludiques avec cette fois-ci la licence Resident Evil, qui a su se réinventer sur deux décennies avec beaucoup de choses surprenantes.
Analyse chez Zeph & Ramo en deux (longues) parties sur la crise que traverse le JV et comment les jeux bizarres sont peut-être la réponse à ces errements artistiques
Francis Ford Coppola est dans le ciné-club de Konbini à l’occasion de son film Megalopolis. Bon le film est pas ouf mais le gars est passionnant
Arte et Blow Up fait sa rentrée et revient sur la carrière immense de l’acteur Michael Douglas
Retour chez At0mium pour son format Vue Subjective, et notamment Final Fantasy Type-0, un des FF les plus méconnus