#26 - Par amour du goût
Ou la réflexion autour d'une industrie qui s'en met plein les fouilles, mais seulement pour une poignée de personnes
Petit à petit, les médias généralistes captent que le jeu vidéo traverse une crise sans précédent, à la fois en étant le média qui engrange le plus d’argent à l’année mais aussi en enchaînant les licenciements et fermeture de studios. Un paradoxe qui permet aux plus riches d’être encore plus riches et aux artistes qui font les jeux de se retrouver au chômage.
Ubisoft a eu droit le mois dernier à plusieurs piquets de grève de plusieurs jours sur les différents studios français, pour débattre des nouvelles conditions de travail les imposant de lâcher le télétravail pour revenir à un rythme de trois jours de présence au bureau par semaine obligatoire. Une décision unilatérale incomprise par la majorité des employés, dont certains ont fait le choix de partir pour travailler à distance et s’assurer de meilleurs conditions de vie, notamment d’un point de vue familial. Un choix amené sans justification aucune, car il n’y a pas eu de baisse de productivité notable lié au télétravail. Mais la vérité est évidente: pour éviter d’enchaîner les licenciements en pagaille, Ubisoft préfère imposer ces conditions pour forcer les employés à partir d’eux-mêmes et ainsi éviter d’allonger la monnaie en cas de licenciements.
Ubisoft est dans une période très décisive. Il y a quelques années, l’éditeur était l’un des fleurons du jeu vidéo sur le plan mondial. En 2024, ce n’est plus vraiment le cas, et chaque jeu à monde ouvert qu’Ubisoft sort n’est jamais bien accueilli par toute une frange de joueurs, à cause d’une sale réputation qu’ils se traînent depuis des années. Depuis que Breath of the Wild ou Elden Ring a remodelé le genre du open world comme quelque chose qui n’était pas figé dans le marbre, axant l’expérience sur l’exploration, les mondes ouverts d’Ubisoft font la grimace, ne parvenant pas à rafraîchir leur recette dépassée. Tours à grimper, carte remplie d’icônes, du contenu annexe à foison et des collectibles à récupérer: le open-world made in Ubisoft prend la poussière, alors même qu’un titre comme Star Wars Oulaws tente autre chose. Mais c’est trop tard: les gens associent la marque avec un jeu qui sera remplie de choses à faire peu intéressantes.
Dès lors, les ventes stagnent et ce récent jeu Star Wars n’a pas fait un très bon démarrage. L’action Ubisoft s’est effondrée depuis le début de l’année, puisque Skull and Bones, arlésienne sortie finalement cette année, a été un gigantesque flop comme attendu. Et l’éditeur n’a plus énormément de cartouches en réserve pour sauver les meubles. Star Wars Outlaws va bénéficier d’une sortie Steam avec pas mal d’ajustements pour corriger les défauts du jeu, larguant peu à peu les obligations du Uplay, le service maison d’Ubisoft, qui ne faisait que saborder les ventes, et c’est le prochain Assassin’s Creed Shadows, repoussée au début de l’année prochaine, qui va devoir remporter tous les suffrages pour sortir Ubisoft de la panade. En attendant, là où l’éditeur devrait se concentrer, c’est surtout sur ses propres employés, ceux qui font les jeux et qui donnent de l’énergie pour créer les titres qui font la renommée de la société.
Sinon vous vous souvenez du jeu Concord de chez Sony, un jeu service qui aura duré approximativement deux semaines ? Sony vient d’annoncer qu’il fermera le studio Firewalk, qu’il a acheté en avril 2023. Une vie très courte et officiellement l’un des plus gros plantages de l’année, qui va faire perdre beaucoup d’argent à Sony et qui sera également l’un des bides les plus discrets de 2024. Le communiqué de Sony qui parle d’une “mûre réflexion” pour fermer un studio et un projet de cette ampleur permet de mesurer un certain aplomb de l’éditeur envers des employés qui ont bossé plusieurs années sur le projet et sont remerciés de cette façon. Encore un bon paquet d’employés licenciés à rajouter à la longue liste de cette année 2024.
[#film] - Anora
Si Sean Baker est un nom qui ne vous dit peut-être rien, c’est pourtant un réalisateur américain qui a fait son petit bonhomme de chemin au fil des ans, dans le paysage cinématographique actuel. Après quatre films indépendants, il commence à trouver un petit succès d’estime grâce à Tangerine en 2015, récompensé à Deauville et mettant en scène deux prostituées afro-américaines transgenres dans un périple transformé en course-poursuite. Dans The Florida Project, c’est en pleine enfance que Sean Baker retourne, en suivant Moonee, fillette de six ans vivant dans un motel en Floride avec sa mère et jouant aux alentours avec ses amis. Et dans Red Rocket, on y suit Mikey, ancienne star du porno, qui revient dans sa vie natale chez son ex-femme et tente de se refaire en plongeant dans ses combines. Avec ces trois films, le style de Sean Baker s’affirme et déploie ses thématiques sur un rêve américain désabusé, mettant en lumière ceux qui essayent de survivre, souvent à travers l’industrie du sexe. Et Anora ne déroge pas à la règle, film avec lequel Sean Baker obtiendra la Palme d’Or cette année.
Anora est une jeune prostituée de Brooklyn qui vit sa vie entre un bar de strip-tease et quelques clients privilégiés auxquels elle soutire quelques billets supplémentaires. Un soir, elle tombe sur le fils d’un oligarque russe et s’accroche à lui un peu plus que les autres, jusqu’à y trouver une porte de sortie quand celui-ci l’invite chez lui et commence à lui offrir tout ce qu’elle veut. Mais la famille du jeune homme, restée en Russie, ne l’entend pas vraiment de cette oreille.
Là où les autres films baignaient dans une espèce de spleen et de drame un peu lancinant, laissant la vie suivre son cours sans créer de vagues, Anora détone déjà dans la filmographie du réalisateur en suivant une trame plus linéaire tout en lorgnant bien plus vers de la comédie. Sean Baker ne tient pas à reprendre les codes de la comédie américaine que l’on peut connaître, mais joue sur l’incongruité des situations, en créant un clash des cultures sur les différences sociales. Anora, incarnée par la géniale Mikey Madison, est un personnage - on le comprend dès le début - qui fait tout pour se protéger et survivre. Son gagne-pain est sa principale raison d’être et elle fera tout pour s’accrocher à cette nouvelle situation qui pourrait changer les choses. Mais elle fera face à des personnages complètement dépassés par la situation, qui n’ont plus rien à prouver, sauf pour calmer le jeu le plus discrètement possible. Et c’est ce contraste qui rend le film savoureux, à la fois sur son écriture des dialogues, son tempo et sa mise en scène qui laisse place à un chaos drolatique et surprenant, faisant penser au cinéma des frères Safdie. Durant une bonne partie du film, le spectateur est forcé de suivre ces vagues de fureur et d’incompréhension parmi tous ces protagonistes qui veulent juste régler la situation et retourner chacun à leur place… sauf Anora.
Mais voilà, Sean Baker ne pouvait pas s’arrêter là. Anora n’est pas juste du chaos rigolo et intense, et c’est là où le titre du film révèle tout son sens. Le personnage d’Anora est bien au centre de l’attention, car c’est elle qui lutte contre une hiérarchie sociale pour s’en sortir, et se camoufle derrière une carapace solide mais pas indestructible. C’est sur sa dernière partie que le film montre toute sa subtilité et toute sa richesse à travers deux personnages d’une manière insoupçonné. De la même façon que ses films précédents, lorsque tout retombe, il ne reste que des humains livrés à eux-même qui luttent pour s’en sortir. Sean Baker passe du festif au réel avec une fluidité folle, parvenant à mélanger les émotions avec une justesse désarmante. On sort du film lessivé, déboussolé parce ce qu’on vient de voir, et on se dit que cette Palme était amplement mérité.
Anora / Réalisé par Sean Baker / Avec Mikey Madison, Mark Eidelstein, Youri Borissov / Sortie le 30 octobre 2024
[#jeu vidéo] - Animal Well
videogamedunkey est un vidéaste américain traitant des jeux vidéos à travers un prisme humoristique, pointant du doigt les éléments contradictoires d’un jeu sans nécessairement parler du gameplay, mais très souvent avec une certaine maîtrise des codes du game design, faisant confiance au spectateur pour saisir les références et le second degré de ses vidéos. Fort de son succès, lui et son épouse Leah Gastrow lance une société de production pour soutenir des développeurs indépendant, Bigmode. Un certain Billy Basso, un développeur solo, leur présente alors un projet qui sera le premier à être représenté sous le label Bigmode: Animal Well.
Billy Basso a débuté le développement du jeu en 2017. Employé dans une entreprise fabriquant des jeux d’entrainement pour le secteur médical et fan de metroidvania, il se lance seul dans Animal Well avec l’idée de faire un petit jeu rapide à réaliser. Mais les ambitions grandissant, autant côté artistique que sur la longueur du jeu, il progresse et étoffe Animal Well pour rajouter tout un lore, un level design plus tortueux et complexe, et des éléments cachés dans tous les sens.
Animal Well vous met aux commandes d’une petite créature perdue dans un monde remplie d’animaux. Et… c’est à peu près tout. Le jeu commence sans vous donner plus d’explications. Quelques rudiments comme le saut introduiront les commandes au joueur, ainsi que l’utilisation d’objets comme ces pétards pour faire fuir un fantôme aux allures de félin. Mais très vite, ce sera au joueur de choisir où aller, quoi faire, sans vraiment d’objectifs précis mis à part sa propre curiosité. Au fur et à mesure de sa progression, on va se retrouver immergé dans un gigantesque monde labyrinthique, divisé en plusieurs zones qu’il faudra explorer pour dénicher des objets de quête. Comme tout bon metroidvania, chaque zone possède des endroits inaccessibles, parfois cachés tant que l’on récupère pas le bon équipement. Mais si le genre choisit souvent la facilité pour débloquer les accès, à grands coups de double jump ou d’explosifs, Animal Well octroiera au joueur un équipement bien plus atypique, comme un frisbee, un truc qui fait des bulles ou encore un yo-yo. Encore plus étrange: le jeu sera très avare sur ses explications et le contexte d’utilisation de ces objets.
Vous aurez tout au plus une touche indiquée et quelques micro-passages vous expliquant l’action principale de l’objet en question. Par exemple, vous comprendrez vite que le yo-yo vous permet de le lancer dans des passages étroits pour y activer des boutons auparavant inaccessibles. Mais Animal Well garde bien des surprises sur l’utilisation de ces objets, en se reposant sur un principe simple digne des jeux d’aventures récents: l’apprentissage de son environnement. C’est l’absence de tutos ou de guides qui va forcer le joueur à bien observer son environnement pour savoir comment gérer et utiliser ces outils à bon escient. Peut-être que ce frisbee pourrait distraire ces trois molosses qui n’arrêtent pas de vous boulotter les fesses si vous essayez de passer ? Peut-on utiliser le yo-yo comme un appât pour guider cette gerbille incapable d’avancer toute seule ? Et tiens, est-ce que cette bulle peut ralentir votre chute au-dessus des piques en la projetant en-dessous de vous ? Animal Well repose sur les capacités du joueur à analyser ce qu’il se passe et à comprendre comment apprivoiser cet environnement. Le joueur se transforme alors en un explorateur cherchant à comprendre ce monde sauvage régi par ses propres règles.
Et Animal Well a évidemment plusieurs couches pour satisfaire les avides de mystères. Si la quête principale sera vite expédiée en 5-6h de votre temps, le titre regorge de secrets, de petits énigmes, notamment ces nombreux œufs qu’il faudra dénicher aux quatre coins du niveaux. Il y a également ces étranges structures que l’on voit pendant notre exploration. Des choses étranges ici et là, comme cet écran LCD planté à l’entrée d’une zone qui se remplit en faisant certaines actions. C’est aussi un jeu participatif qui demande à la communauté d’étudier le jeu pour y déceler tous ses secrets, et qui transforme Animal Well en une énigme à part entière, abreuvée de fantastiques et sournoises cachettes. Et la partie graphique n’est pas en reste: emmitouflé dans un somptueux habillage en pixel art du plus bel effet, le jeu regorge de petits détails, parfois dynamiques, dans des teintes bleutées qui renforce l’aspect ésotérique de l’univers. On pourrait croire que le jeu devienne un fouillis visuel avec un avatar impossible à repérer mais il n’en est rien. Animal Well reste jusqu’au bout cette petite pépite qui paraît sorti d’un autre temps, auquel on aurait aimé avoir plus de biscuit tant on a envie d’en voir plus sans pour autant sombrer dans ses plus profonds secrets, qui peuvent être un peu trop cryptiques pour donner envie de creuser. Mais pour le reste, si vous chercher un excellent jeu d’aventures/énigmes, avec une pointe de plate-forme, foncez.
Animal Well / Développé par Shared Memory / Sortie le 9 mai 2024 / Disponible sur PC, PS5, Switch, Xbox Series / Prix: 25 euros
[#film] - Les graines du figuier sauvage
Après Tatami sur la dernière newsletter, un autre film iranien a marqué le petit monde du cinéma récemment. Les graines du figuier sauvage est un film de Mohammad Rasoulof, réalisateur iranien donc, qui a déjà connu les affres du régime iranien, en étant condamné à un an de prison pour propagande contre le régime, notamment pour son film Le diable n’existe pas, pour lequel il a reçu l’Ours d’or à Berlin en 2020. Le Festival de Cannes aura bien demandé la libération du réalisateur suite à une nouvelle arrestation, mais les autorités iraniennes refusent qu’il participe au jury du festival l’année suivante. En mai 2024, le réalisateur est finalement condamné à huit ans de prison mais arrive à quitter le pays en toute discrétion pour présenter son nouveau film, Les Graines du figuier sauvage.
Vous vous en doutez, le réalisateur possède une filmographie qui titille le régime iranien. Peu de surprises donc, de voir son nouveau film prendre cette direction. On y suit l’histoire de Iman et de sa famille, composé de sa femme et de ses deux filles, à Téhéran. Iman est un fonctionnaire dans le domaine de la justice qui travaille depuis vingt ans et qui obtient finalement une promotion pour devenir enquêteur au tribunal révolutionnaire, c’est-à-dire qu’il va devoir traiter des affaires concernant des personnes arrêtés pour avoir remis en cause le régime actuel. Il prend ses responsabilités, obtient un pistolet pour sa propre protection et celle de sa famille, en la mettant en garde de ne pas divulguer son travail pour éviter les représailles.
Mais au fil des semaines, il se rend compte qu’il doit prendre des décisions difficiles sur certaines affaires, ce qui va impacter son rapport aux autres membres de son foyer. Au même moment, les manifestations du mouvement Femme, Vie, Liberté, prennent de l’ampleur, et les filles d’Iman, Rezvan et Sana, commencent à observer tout ce qu’il se passe à l’extérieur, notamment via une amie de Rezvan, confrontée brutalement aux autorités. La mère, Najmeh, est balloté entre son devoir et sa loyauté conjugale et l’amour qu’elle porte à ses filles.
Les Graines du Fuigier Sauvage est un film fort, parvenant à recréer l’ambiance restreinte d’un huis clos par la pression mise des parents envers leurs filles, complètement influencés par le régime. Le réalisateur choisit d’alterner régulièrement les points de vue entre Iman et Najmeh, tandis que le regard de leurs filles permettent de mieux saisir l’ampleur des événements extérieurs, notamment via les réseaux sociaux, seul moyen de comprendre réellement ce qui est en jeu. Leurs parents, quant à eux, tentent par tous les moyens de calomnier les manifestations pour justifier un contrôle total de leur liberté. Cela donne un microcosme fascinant et terrifiant à observer, avec un choc de générations évident: les parents qui veulent garder le contrôle et imposer la vision du régime, et les filles qui observent tout par la lorgnette de leur smartphone et désireuses de descendre dans la rue pour faire entendre leur voix.
Mais le film possède une vraie subtilité d’écriture, lui permettant d’amener toute la complexité de la situation. On sent à travers le film qu’Iman n’est pas vraiment d’accord avec les décisions de son régime, mais qu’il est piégé par les obligations familiales et la perspective de tout perdre s’il rentre en désaccord, ce qui va le conduire à des réactions de plus en plus radicales. Peu de violence graphique est montré dans Les Graines du Fuigier Sauvage, mais ce que l’on voit suffit pour montrer à plusieurs occasions la violence psychologique d’un pays qui terrorise par les non-dits, par la manipulation affective ou par la peur d’être mis au ban par toute une population en colère. Mohammad Rasoulof parvient à montrer ça de façon impressionnante, montant crescendo la tension pour clôturer le métrage par un dernier acte imprévisible et étonnant. Et si le film peut faire peur avec ses presque trois heures au compteur, c’est le temps nécessaire pour faire monter la sauce et réussir à créer une ambiance pesante pour mieux saisir les enjeux des personnages. Une vraie prouesse et un film important.
Les graines du figuier sauvage / Réalisé par Mohammad Rasoulof / Avec Missagh Zareh, Soheila Golestani, Mahsa Rostami, Setareh Maleki / Sortie le 18 septembre 2024
[#comics] - Le dernier festin de Rubin
En 2022, j’avais déjà vanté les mérites du comics Toutes les morts de Laila Starr, qui mettait en scène une déesse de la mort indienne cherchant à éliminer un humain capable de trouver un remède contre la Mort. Le duo composé du scénariste Ram V et du dessinateur Filipe Andrade remet le couvert pour une nouvelle incursion en Inde, cette fois-ci à travers la cuisine mais en y mettant une touche de fantastique qui sied particulièrement bien à ces deux talentueux créateurs.
Rubin Baksh est un homme corpulent et massif, mais c’est aussi un être avec une forte appétence pour la cuisine du monde. Petit détail qui a son importance: s’il a l’apparence d’un homme, c’est aussi et surtout un ancien démon, un ogre qui n’a jamais hésité à boulotter des humains par le passé. Mais suite à certaines expériences, il décide de s’émanciper de cette image de tueur sanguinaire pour découvrir les mets les plus délicats et de rechercher les meilleurs saveurs pour les faire découvrir au monde. Il embarque pour cela Mohan, un jeune étudiant en cinéma en perte d’inspiration, afin de faire un film documentaire sur sa recherche de la cuisine parfaite à travers un road-trip dans tout le pays.
Si Ram V embarque son camarade Andrade qu’il a déjà côtoyé sur Laila Starr, ce n’est pas anodin. Tout comme son précédent livre, Le dernier festin de Rubin pose d’entrée de jeu le regard d’une créature fantastique sur l’humanité toute entière. Mais au lieu d’y aborder la mort, Rubin propose de parler de la vie, passant par l’art culinaire pour littéralement “goûter la vie”. L’aspect buddy movie permet à Ram V de venir confronter deux points de vue différents, à la fois chez Rubin qui voit l’humain d’une manière positive, découvrant qu’il peut y avoir autre chose que de la viande dans son estomac, et chez Mohan, dont son discours défaitiste d’entrée de jeu l’oppose à l’optimisme de celui dont il doit faire le portrait. Pour Rubin, la magie de la cuisine ne passe pas uniquement par le plat que l’on découvre au final, mais surtout par le travail et l’implication des gens qui le font.
Et Ram V prend le temps de découper son livre en autant de chapitres qu’il y a de plats présentés. Si le road-trip représente les étapes du documentaire que tourne Mohan, c’est aussi l’occasion de découvrir les gens derrière ces plats et leur histoire. La manière de sélectionner ces aliments, de les préparer, de venir donner leur singularité ne vient pas uniquement d’une liste d’opérations à enchaîner mais aussi du vécu des personnes derrière cette recette. Les saveurs découlent des émotions humaines, et Ram V parvient avec délicatesse à montrer à quel point la cuisine est vecteur d’émotions et d’humanité, n’hésitant pas à citer Anthony Bourdain comme référence culinaire et philosophique.
Côté dessins, Filipe Andrade fait encore des merveilles, allant chercher dans des couleurs encore plus pastels et raffinées que par le passé, et un trait qui évoque le dessin européen. Ce mélange des genres sied parfaitement bien pour représenter les différences cultures qui parsèment les pages. Et le tout enveloppé dans un grand format qui rend justice à cette bien belle histoire.
Le dernier festin de Rubin / Ram V & Filipe Andrade / Editeur: Urban Comics / 152 pages / One Shot / 20 euros
Les films/séries gratos du mois
Ce mois-ci : France.TV et Arte se partage la filmographie de François Truffaut dans une belle sélection de films. Si vous voulez découvrir le réalisateur français, c’est l’occasion. Arte diffuse aussi quelques films primés récemment, tandis que TF1+ propose quelques blockbusters américains.
L.A. Confidential (Curtis Hanson- 1997)
Brazil (Terry Gilliam - 1986)
True Story (Rupert Goold - 2015)
Les 400 coups (François Truffaut - 1959)
Le dernier métro (François Truffaut - 1980)
Vivement dimanche ! (François Truffaut - 1982)
La femme d’à côté (François Truffaut - 1981)
Jules et Jim (François Truffaut - 1960)La sirène du Mississipi (François Truffaut - 1969)
Baisers volés (François Truffaut - 1968)
Domicile Conjugal (François Truffaut - 1970)
L’amour en fuite (François Truffaut - 1979)L’innocent (Louis Garrel - 2022)
Saint Omer (Alice Diop - 2022)
Hancock (Peter Berg - 2008)
Playlist du mois
Ce mois-ci, une belle sélection de fin d’année, avec certains titres attendus et d’autres plus surprenantes. Le J-RPG Metaphor Re:Fantazio accompagnera vos oreilles avec quelques thèmes bien enlevés, mais le petit jeu chill Kind Words 2 sera parfait pour les phases de boulot. Et difficile de ne pas mettre les musiques d’Astro Bot, qui a les MEILLEURES musiques du monde, en toute objectivité. Côté ciné, le Love Song de Look Back amènera un peu de douceur, de même que la BO de The Wild Robot.
Comme d’habitude, la playlist 2024 version Spotify s’étoffe tout au long de l’année, avec des morceaux des œuvres cités en rab pour les curieux.
» Accéder à la playlist Spotify de 2024
Playlist Youtube accessible en cliquant sur l’image
Misc
Game Next Door revient sur un genre de jeu vidéo qui a explosé ces dernières années: le Metroidvania. Il revient sur la façon dont il a évolué avec quelques exemples célèbres (dont Animal Well chroniqué plus haut)
Nouvelle année chez Blow Up et sa rétrospective du cinéma. On attaque cette fois-ci l’année 1987
Passionnante petite interview de Nicolas Doucet, le créateur francophone qui a élu domicile chez la Team Asobi, qui a sorti dernièrement la petite pépite Astro Bot (les musiques sont folles paraît-il)
Ecran Large revient sur le flop de Joker: Folie à Deux et tente d’expliquer pourquoi on est passé d’un premier volet à un milliard de recette à cette suite ratée
The Brutalist est probablement l’un des projets cinéma les plus intriguants de l’année prochaine, raflant des prix dans les plus prestigieux festivals et promettant une grande fresque sur grand écran
Si on a vu Coppola chez Konbini le mois dernier, c’est au tour de la chaîne Calmos de venir mettre son grain de sel en revenant sur la carrière pas si simple de ce géant du cinéma à travers un documentaire d’une heure