#12 - L'été fait son coming août
Il fait lourd en ce moment non ? C'est bien qu'il pleuve, ça rafraîchit un petit peu les températures. Après, pas trop non plus, sinon les enfants ils profitent pas avant la rentrée
Déjà douzième numéro, déjà un bon gros tour de calendrier. Si vous êtes arrivé jusque là, franchement bravo. Le précédent numéro faisait 18 556 caractères et vous avez tout lu (ou pas), ça se fête. Et si vous lisez depuis le début, ça fait… Bon on va juste multiplier le nombre précédent par 11 et dire que ça fait 204 116 caractères, la flemme, vous comprenez.
Et pendant ce temps, les scénaristes font toujours la grève, les données de 10 millions de personnes à Pôle Emploi sont vendus 900 euros (le gars n’a pas fait l’affaire du siècle, si vous voulez mon avis) et Elon Musk fait toujours n’importe quoi avec son réseau social. Une période estivale pas si tranquille, mais qui aura offert côté cinéma une variété assez impressionnante de films, pendant que les gamers se font plaisir sur un certain jeu de rôle PC qui met de l’importance sur une certaine porte, allez savoir pourquoi.
La grève des scénaristes, portée par la WGA et la SAG-AFTRA, n’est pas prête de se terminer, étant donné que les revendications ne sont toujours pas sérieusement discutées. Les acteurs.rices s’étant joints à la cause, hors de question pour eux de s’impliquer dans une quelconque promotion pour un film qui s’apprête à sortir. Les futurs blockbusters commencent à flancher, et Dune 2 est le premier à se voir être repoussé à mars 2024, le temps que les choses se calment et que la promotion puisse se faire normalement. Une première décision probablement suivie par d’autres, et qui risque de faire enfin pencher la balance en faveur des grévistes si les studios tiennent à sortir leurs films dans de bonnes conditions.
Mais la lassitude des gros films dominés par les super-héros et autres adaptations gagne du terrain, un constat visible par certaines franchises qui n’auront pas réussi à convaincre en 2023. La surproduction de ces dernières années a probablement éreinté l’intérêt du public, ou du moins égratigné. Même constat niveau jeux vidéos, où la Gamescom de cette année n’a pas l’air d’avoir secoué les foules. La grande époque des conférences suivies en masse s’éloigne de plus en plus. Celle de la Gamescom présentée par Geoff Keighley, passé de journaliste à homme sandwich pour divers éditeurs, n’aura pas marqué par sa présence, tandis que l’E3 a bel et bien disparu. Y a-t-il un début de frémissement pour une volonté d’œuvres moins ambitieuses mais plus soignées ? Ou simplement est-ce une passade ? Les joueurs ne s’y trompent pas, puisque Baldur’s Gate 3 aura réussi son pari, grâce à une solide réputation de la part du studio belge Larian et un accès anticipé qui aura permis de consolider la relation entre le studio et les joueurs. De fait, l’industrie montre de plus en plus que la transparence et la sincérité des studios envers les joueurs paye de plus en plus. Espérons que ça continue dans ce sens.
[#film] - Yannick
Il y a eu une vraie rupture avec Au Poste de Quentin Dupieux. Alors que ses films sortaient dans une certaine discrétion mais auréolé d’une petite notoriété dans le domaine de l’absurde, Dupieux se voit sortir de l’ombre avec ce film, grâce à un certain succès populaire qui lui donne l’opportunité d’enchaîner bien plus rapidement les projets, en attirant la crème du cinéma français. Les tournages sont courts, les films également, ce qui lui permet de sortir un film par an, voire deux l’année dernière (Incroyable mais vrai et Fumer fait tousser). Mais si on est assuré de toujours y trouver des histoires atypiques, cette boulimie ne garantit pas une qualité constante, comme Fumer fait tousser qui est peut-être l’un des plus inégal au sein de sa filmographie.
Mais voilà que sort Yannick, petit huis clos d’un peu plus d’une heure, tourné en six jours, dont le titre mystérieux interroge sur ce prénom d’origine bretonne. Un mystère qui trouve son explication dans les multiples teasers qui dévoilent le pitch: on y suit trois acteurs de théâtre (Pio Marmai, Blanche Gardien, Sébastien Chassagne) en pleine représentation devant un public, mais l’un des spectateurs (Raphaël Quenard) se lève alors pour interrompre la pièce et signaler son mécontentement devant la qualité de ce qu’il est en train de voir. S’ensuit une histoire qui va enchaîner les rixes verbales entre ce personnage s’appelant donc Yannick et les comédien.nes.
Le pitch est étrange mais donne sacrément envie d’en savoir plus, grâce à l’absurdité pas si banale de cette situation. Mais surtout, Yannick permet de mettre en avant l’acteur principal, Raphaël Quenard, comme le comédien qui va tout porter sur ses épaules. Etoile montante du cinéma français, Quenard commence doucement à se faire un nom, et le film de Dupieux est clairement écrit avec le comédien en tête, tant ce protagoniste culotté et verbeux lui sied comme un gant. En quelques lignes de dialogue, son phrasé atypique et son attitude à la fois désinvolte mais sincère surprend et capte l’attention. On est surpris de voir qu’aucun des spectateurs ne tente une action désespérée mais comme eux, on a envie de voir l’acteur s’éclater dans ce rôle sur-mesure.
Le reste du casting n’est pas oublié, avec un Pio Marmaï génial en acteur grandiloquent et imbu de lui-même, ou Blanche Gardin, prête à tout pour sortir de cette situation. Là ou Dupieux réussit son coup, c’est d’abord par son rythme qui ne laisse aucun temps morts en se focalisant entièrement sur le jeu du casting. Mais aussi par les questions qu’il pose pendant le film: est-on obligé de subir l’œuvre que l’on est en train de voir ? A-t-on la sensation d’être pris en otage devant quelque chose qui ne nous plaît pas ? Et a-t-on la capacité de faire mieux que les auteurs de l’œuvre en question ? Tout le monde n’a pas le même regard, les mêmes attentes. Dupieux questionne le rapport du spectateur avec la culture, son regard et ses attentes avec une vraie et étonnante justesse, et cette incompréhension qui peut ressurgir quand une œuvre culturelle ne nous plaît pas pour des raisons incroyablement variés, parfois qui n’ont rien à voir avec le contexte. Le film parvient à toucher juste, avec même une pointe d’émotion et de tendresse. Ça ne servirait à rien de donner une note à Yannick - certainement pas un 13/20 - et il va facilement dans le top de Dupieux, ou comme tous les Yannick, dans les tops du cœur.
Yannick / Réalisé par Quentin Dupieux / Avec Raphaël Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin, Sébastien Chassagne / Sortie le 02 août 2023 au cinéma
[#jeu vidéo] - Venba
Dans les jeux indépendants se trouvent régulièrement des titres aux ambitions moindres avec souvent une durée de vie très légère. Des jeux narratifs qui privilégient leur histoire avec un minimum d’interaction. Venba est de ceux-là. On y suit une famille indienne qui a immigré au Canada dans les années 80, et on y incarne l’épouse nommée Venba, qui a donc suivi son mari dans ce nouveau pays. L’histoire va enchaîner les différentes périodes et va raconter leur vie à travers des chapitres importants.
Venba bénéficie d’un traitement graphique particulier. Tout en 2D, doté de designs vraiment charmants et d’une palette de couleurs ensoleillée, le jeu parvient à installer une atmosphère et une ambiance avec peu de moyens, autant par son style que dans la représentation d’une culture indienne omniprésente, que ce soit dans certaines références ou dans les choix musicaux. Venba transpire l’amour pour cette culture. Mais c’est surtout pour ses quelques phases de gameplay que le jeu se distingue. Chaque chapitre, chaque étape importante sera ponctuée par une recette de cuisine pour créer un plat typique indien (ne jouez pas si vous avez faim).
Car Venba parle de transmission culturelle et de l’importance de garder une trace de ses racines même dans un pays étranger, et ce en passant par la cuisine: que ce soit les odeurs, les souvenirs ou le goût, la cuisine au sein d’une famille a toujours une saveur particulière sur la mémoire. Ici, le gameplay sera mélangé avec des micro-énigmes: Venba a récupéré un livre de recettes de sa mère, mais assez dégradé. Ce sera alors au joueur de déchiffrer la recette grâce aux dessins, à la logique et parfois aux dialogues de Venba afin de créer la recette correctement, souvent en faisant attention à l’ordre dans lequel on place les ingrédients.
Rien de réellement compliqué puisque le jeu multiplie les aides. Ce n’est pas vraiment un jeu à challenge, l’important réside dans l’histoire et dans ce que ça raconte. Et ça fonctionne: on se surprend à enchaîner les chapitres pour connaître la prochaine étape et tenter de raccorder les éléments pour voir ce qui a changé entre les différentes époques. Le jeu est très court (comptez entre 1h30 et 2h) et n’a pas vraiment de notion de rejouabilité, mais la sincérité de la narration et de ses thématiques font que l’on passe un bon moment.
Venba / Développé par Visai Studios / Sortie le 31 juillet 2023 / Disponible sur Switch, PS5, PC, Xbox / Prix: 15 euros
[#comics] - Aquaman: Andromeda
Parmi les œuvres plus classiques chez DC Comics se trouve un label nommé Black Label. On y trouve des oeuvres généralement courtes, des mini-séries portés sur des personnages de l’écurie avec bien plus de liberté que la partie mainstream, généralement cantonné à suivre une continuité. J’ai déjà évoqué par le passé des oeuvres comme Catwoman: Lonely City et ça tombe bien: l’éditeur français Urban continue la publication de ces oeuvres avec cette fois-ci un livre consacré à Aquaman.
Toujours dans le but de sortir des carcans habituels, le scénariste Ram V (Laila Starr, Swamp Thing) et le dessinateur Christian Ward (Invisible Kingdom) sont partis explorer l’horreur sous-marine à travers un pitch qui pourrait rappeler un mélange entre Abyss et Alien. On y suit l’équipage du Andromeda, un sous-marin expérimental chargé de se rendre au Point Nemo, l’endroit le plus profond sur Terre, pour y découvrir ce qui s’y cache, alors que nombre de gouvernements du monde entier convoitent cet endroit potentiellement stratégique. Bien évidemment, ça ne va pas très bien se passer.
La grande force de Aquaman Andromeda est justement de ne pas adopter le point de vue d’Aquaman. Celui-ci est perçu par l’équipage du vaisseau comme un être surhumain dont les intentions sont encore mystérieuses au début de l’histoire. L’atmosphère, l’ambiance sous-marine pesante, rien ne permet de croire ou non aux intentions des différents personnages. Chacun est là pour une raison personnelle, avec son passif, ses failles, alors que tout autour d’eux - Aquaman compris - donne l’impression de débarquer dans un environnement qui ne veut pas d’eux. Une aventure en terre sauvage qui les dépasse complètement. L’ambiance pesante frôle souvent avec l’horreur (toute proportions gardées, il n’y a pas vraiment de gore dans l’histoire).
A travers ses trois chapitres, Ram V préfère l’introspection à l’action. Il prend le temps de sonder certains personnages, leurs émotions et les fêlures qu’ils possèdent, pour mieux cerner les enjeux et leurs motivations. Christian Ward fait également des merveilles, jouant à fond sur la matière sous-marine, comment la faune et la flore prenne leur place dans les profondeurs. Les couleurs saturées renforcent cette impression de nouveau monde, et permet au lecteur de se plonger totalement dans cette histoire fascinante.
Aquaman: Andromeda / écrit par Ram V & dessiné par Christian Ward / Urban Comics / 168 pages / 17 euros
[#réalisateur] - William Friedkin
Une section un peu particulière, cette fois-ci, qui est destinée à rendre un petit hommage à un réalisateur qui nous a quitté le 7 août dernier. William Friedkin, né le 29 août 1935, est un réalisateur américain qui aura marqué le cinéma par quelques immenses chefs d’œuvres dans des genres très différents (avec à son actif quelques films plus mineurs). Friedkin possédait aussi une réputation de metteur en scène houleux, n’ayant pas la langue dans sa poche et n’hésitant pas à aborder des sujets lorgnant vers l’excès et toujours en décalage avec le tout-venant américain.
La première preuve de ses lubies, mais aussi son premier gros succès, fut L’Exorciste en 1973. Aujourd’hui considéré comme un classique du cinéma d’horreur, rien ne le destinait au succès à l’époque mais le mélange entre des cas de possession documentés et son lore ésotérique assez marqué permettra au film de gagner ses galons et d’être même l’un des plus rentables du cinéma. C’est un excellent film, toujours bluffant aujourd’hui et qui possède également une histoire atypique puisque le tournage fut mouvementé avec plusieurs décès, des accidents et même un incendie, certains pensaient que le film était maudit.
En 1977, Friedkin s’attaque au remake du Convoi de la Peur avec Sorcerer, qui plonge une équipe d’indépendants plus ou moins louches au milieu de l’Amérique du Sud pour conduire deux camions remplis de nitroglycérine sur plus de 300 km. Ici aussi, le tournage fut compliqué, entre les maladies sur place, le caractère compliqué de Friedkin et les rapports avec la politique locale. Le film fut un échec, mais ici encore, Sorcerer est une claque incroyable: une leçon de film d’aventure avec une bande de personnages indécrottables et peu recommandables, et des scènes de tension ahurissantes dont une séquence sur un pont au-dessus d’une rivière en crue qui restera dans les annales.
Si French Connection permettra à Friedkin de renouer avec le succès, il vivotera pendant plusieurs années, accouchant malgré tout de pépites comme le polar To Live and Die in L.A, et n’hésite pas à aborder des sujets sensibles, comme Cruising avec Al Pacino qui plonge dans le milieu SM homosexuel. En 2003 avec Traqué, Friedkin reviendra en force, mais c’est surtout en 2011 avec Killer Joe que le réalisateur montrera qu’il en a encore sous la pédale. Avec ce film adapté d’une pièce de théâtre, il raconte comment un petit délinquant met au point un plan pour engager un tueur à gages pour éliminer sa propre mère, empocher l’assurance-vie et ainsi rembourser ses dettes. Ce film signe l’un des rôles les plus marquants pour Matthew McConaughey dans la peau du tueur, quittant définitivement ses précédents rôles de beau gosse de comédie romantique.
Mais quel autre meilleur moyen de résumer Friedkin que ce numéro de Blow Up qui lui est consacré:
Encore un peu plus ? Une interview chez Tracks qui revient sur sa carrière et de comment il a commencé sur la série Hitchcock Hour:
Et pour terminer et montrer que le réalisateur n’a pas la langue dans sa poche, petit extrait d’une interview croisé et de sa réaction face à Nicolas Winding Refn (réalisateur de Drive):
Les films gratos du mois
Ce mois-ci: Brian de Palma qui nous plonge dans un thriller chaud bouillant, une romance entre Bruce Willis et Kim Basinger, de la comédie aux teintes soviétiques et une belle sélection Jim Jarmusch chez Arte
Body Double (Brian de Palma - 1985)
Boire et déboires (Blake Edwards - 1987)
La mort de Staline (Armando Lannucci - 2017)
Dead Man (Jim Jarmusch - 1995)
Down By Law (Jim Jarmusch - 1985)
La nuée (Just Phillipot - 2019)
Joue-la comme Beckham (Gurinder Chadha - 2002)
Playlist du mois
Ce mois-ci, encore une fois, le programme est sacrément varié. La star de ces dernières semaines est évidemment Baldur’s Gate 3 et son thème chanté Down by the River déjà parmi les incontournables de l’année. Mais le jeu vidéo réserve des surprises, comme la musique épique du Disney Illusion Island, la dernière production Stray Gods par Austin Wintory, le thème ensorcelant de Shadow Gambit (par le studio derrière Shadow Tactics) ou encore quelques teintes hispaniques avec l’incroyable morceau issu de Blasphemous 2.
Côté ciné, la queen Yoko Kanno nous fait plaisir sur Makanai, mais le rock n’est pas laissé de côté grâce à The First Slam Dunk et son Love Rockets, tandis que Trent Reznor continue ses expérimentations filmiques chez les Tortues Ninja.
Playlist accessible en cliquant sur l’image
Misc
Tenet vous a perdu parce que le film était à l’envers, quand tout avançait à l’endroit ? Mais qu’est-ce que ça donnerait si tout le film était passé à l’envers, est-ce que ce qui est à l’envers serait à l’endroit pendant que le reste serait à l’envers ? Ou tiordne’l à ?
Si Scott Pilgrim a déjà eu droit à une adaptation en film live, c’était au prix de plusieurs changements dans l’histoire et l’écriture. La série animée par Science Saru (Inu-Oh) est là pour tout remettre à zéro et raconter le comics entier, avec le retour du casting vocal du film.
Petit bonbon nostalgie avec une vidéo de feu la chaîne Every Frame a Painting qui étudiait des cas pratiques dans le cinéma avec beaucoup de talent et de passion (et des sous-titres français). Ici, retour sur le cas de David Fincher et son sens du cadrage.
Re-nostalgie chez Archipel avec ses vidéo Toco Toco qui s’intéressent à des artistes japonais multiples, notamment ici Shishi Yamazaki, animatrice 2D