Bonus - Festival d'Annecy 2023
Nouveau petit bonus improvisé. Chaque année, Annecy accueille le festival international de l'animation depuis quelque temps déjà, et il fallait bien mettre à contribution une semaine de congés.
Alors petit explicatif rapidos: c’est quoi, du coup, le festival d’Annecy, on y trouve des cosplays de Toy Story et Wallace et Gromit ? Que nenni, on est plutôt sur un festival de cinéma comme on en croise régulièrement tout au long de l’année, avec sélection officielle, sélection alternative, des courts-métrages, des films de télévision, des WIP de grosses ou petites productions ou encore des focus. Tout ça en marge du MIFA, le marché International du film d’animation, qui regroupe le gratin de la production venu négocier les futurs bijoux de l’animation. Une partie bien plus orientée business, où les sponsors, les marques ou les studios viennent vendre leurs productions entre deux rendez-vous, dans un endroit niché aux abords du lac, à l’Imperial Palace.
Cette année, le Mexique était à l’honneur, avec la présence de Jorge R. Gutierrez (créateur de l’affiche de cette année, et réalisateur de films comme La Légende de Manolo) mais aussi de Guillermo del Toro et de tout un panel d’invités divers et variés allant de Genndy Tartakovsky, Peter Lord, Bill Plympton, Jérémie Périn et plein d’autres que les férus d’animation connaissent bien. On y trouvera plusieurs panels destinés à faire découvrir la production mexicaine et les futurs projets en cours.
Annecy, c’est aussi une ambiance assez formidable, avec une vraie ferveur dans les rues et dans les allées de Bonlieu, où chacun se retrouve, se croise, discute des dernières projections autour d’une glace ou sur les frêles esquifs d’un pédalo. Chaque séance est l’occasion de montrer la passion débordante de ce médium, de s’entraîner à la réalisation en avions en papier, ou de s’éclaircir la voix à chaque apparition d’un petit lapin animé.
Difficile de tout voir, tout regarder avec un programme bien chargé tout au long de la semaine. Exit les années où l’on pouvait venir sans être accrédité ou tenter une réservation à la dernière minute, il faut être au taquet pour bloquer une séance suivant son niveau d’accréditation quelques jours avant le début du festival (ou alors il faudra arriver tôt pour les gros événements et tenter votre chance dans une longue file d’attente). De mon côté, j’ai dû faire des choix: exit les courts-métrages et les programme de télévision, pour me concentrer sur les longs-métrages et quelques WIP intéressants.
Sélection officielle / Contrechamp
Comme chaque année, la Sélection Officielle privilégie la diversité avec des longs-métrages venus des quatre coins du monde, avec de multiples techniques allant de l’animation 2D à la stop-motion. On constate beaucoup de co-productions, les longs-métrages étant toujours compliqués à produire, et encore plus pour l’animation adulte, qui a encore du mal à trouver sa place dans l’esprit du grand public, continuant à voir le cinéma d’animation comme un medium pour les enfants. Les sociétés de productions ayant des budgets limités, certains films doivent rivaliser d’ingéniosité pour rentrer dans leur frais.
C’est le cas de Mars Express, nouveau film de Jérémie Périn, connu principalement pour avoir réaliser la série Lastman. On reconnaît tout de suite le trait des personnages et l’animation réaliste. On y suit les aventures de Aline Ruby, détective privée dans un futur éloigné Elle se retrouve embarquée dans une enquête sur Mars où elle et son coéquipier vont devoir retrouver une étudiante en cybernétique qui s’est mouillée dans une affaire qui la dépasse. Véritable polar SF qui lorgne du côté de Ghost in the Shell, le film est vraiment réussi par sa capacité à retranscrire un univers SF crédible et proposer des séquences fortes. L’histoire se suit avec plaisir, sans être réellement originale dans le genre, mais ce type de production est tellement inédite dans le paysage français que le soutien est plus que nécessaire, rien que pour l’ambition du projet. Sortie le 22 novembre 2023.
Dans les très jolies surprises, notons Sirocco et le Royaume des Courants d’Air qui aura marqué le festival par son influence du cinéma de Miyazaki et Moebius. Le public ne s’y est pas trompé en lui attribuant le Prix du Public. On y trouve du Château Ambulant, du Royaume des Chats et plein d’autres inspirations pour un merveilleux film réjouissant et une animation 2D somptueuse. La musique est également sublime et emballe le tout avec un charme certain, un film pour les (grands) enfants qui fonctionnera à coup sûr.
Et le Cristal de cette année, prix ultime du festival, revient à Linda veut du poulet ! Un point d’exclamation important pour ce film dont le titre intrigue. Bonne pioche: Linda veut du poulet ! est un long-métrage hyper charmant, qui raconte l’histoire de Linda, petite fille vivant seule avec sa mère dans une cité. Le jour où sa mère la gronde pour une mauvaise raison, celle-ci lui propose tout ce qu’elle veut pour se faire pardonner, et Linda demande une seule chose: qu’elle lui prépare un poulet aux poivrons.
S’ensuit une multitude de situations rocambolesques, où tout s’enchaîne à grande vitesse pour tenter de trouver ce fameux poulet et parvenir à le cuisiner. Entre grève généralisée et police incompétente, le film profite d’un graphisme original où chaque personnage n’est composé que d’une seule couleur, en s’amusant constamment à détailler les traits ou non suivant la distance de la caméra. Il y a énormément de trouvailles visuelles dans le film, en plus d’être drôle et doté d’une énergie positive vraiment communicative. Le 18 octobre au cinéma.
Dans le reste de la sélection, on trouvera évidemment de l’animation japonaise avec Tunnel to Summer, the Exit of Goodbyes, ou l’histoire de deux lycéens qui tombe sur un tunnel capable de réaliser leurs désirs mais au prix d’un temps à l’extérieur qui défile beaucoup plus vite qu’à l’intérieur. Ils vont s’allier pour arriver à leurs fins tout en cachant le secret à leurs proches. Un film efficace, plutôt joli et dont la partie romantique prendra un peu trop le dessus sur le concept du film, même si la fin est plutôt réussie et réussira à tirer une larme ou deux aux spectateurs.
Dans l’autre prisme, Le château solitaire dans le miroir raconte l’histoire de Kokoro, une collégienne qui ne parvient plus à retourner à son école pour cause de harcèlement. Un jour, son miroir s’illumine et elle finit par le traverser pour tomber sur un château au milieu de l’océan où attendent six autres collégiens. Ils auront alors pour mission de fouiller le château de fond en comble pour trouver la clé qui leur permettra d’exaucer un vœu mais pour un seul d’entre eux. Un film qui parler de façon assez juste du harcèlement scolaire, de l’anxiété adolescente ou même de la difficulté de se trouver une place dans la société japonaise à cet âge. Mais le film prend beaucoup de temps pour raconter son histoire, et doit enchaîner les révélations sur la fin, jusqu’à noyer complètement son propos au profit d’un concept qui aurait pu être mieux rythmé.
Petite déception également sur Art College 1994. On y suit un petit groupe d’étudiants d’une école d’art en Chine dans les années 90, tandis qu’ils se confrontent à la vie d’adulte et aux ambitions professionnelles de chacun. Tout le film se concentre essentiellement sur des dialogues de réflexions sur l’art, l’amour et la vie, dans un style rotoscopique qui minimise énormément l’animation, sans jamais profiter du medium pour aller plus loin et tenter des choses. Certains plans sont jolis mais on en vient à se demander pourquoi ne pas avoir fait le film en live.
Sur la sélection Contrechamp, un seul film vu, mais il se trouve que c’est celui qui a gagné le Cristal dans cette catégorie, comme quoi, le flair était bon. Robot Dreams adapte le livre du même nom et suit un chien dans un univers d’animaux anthropomorphes qui achète un robot pour qu’il devienne son ami. Un jour, ce robot tombe en panne et les circonstances forcent le chien à devoir attendre plusieurs mois avant de le réparer et le récupérer. On va suivre alors ces deux personnages tentant de tromper leur solitude chacun de leur côté.
Réalisé par Pablo Berger déjà à l’origine de plusieurs films espagnols en live, il choisit ici l’animation pour venir raconter cette petite histoire au character design adorable. Si le scénario possède quelques petits moments de flottement, Robot Dreams reste une chouette surprise, grâce à ses bulles de poésie étonnantes. L’amitié prend plusieurs formes et le film arrive à poser une vraie réflexion sur les relations que l’on se fait au cours d’une vie, comment cela impacte nos envies et notre quotidien. Un vrai petit bonbon qui profite d’une fin parfaite pour conclure le long-métrage, et tout ça entièrement muet.
Séances événements
Au milieu de la sélection, on trouvait également tout un tas de longs-métrages présentés en avant-première, et souvent des plus grosses productions venus ici pour promouvoir l’image de leur studio. Evidemment, Disney, Pixar ou Dreamworks étaient venus en force, mais toujours dans l’optique de montrer patte blanche à un public de toute façon féru d’animation. On notera la présence de Nimona, dernière production de feu-Blue Sky, qui a été annulé lors du rachat de la Fox par Disney mais récupéré par Netflix et qui sortira à la fin du mois. Adaptation de la bande dessinée de ND Stevenson, l’équipe du film aura droit à une standing ovation à la fin de la projection, sans oublier un petit message cinglant de leur part envers Disney qui aura fait disparaître le projet alors qu’il était déjà bien avancé.
Côté gros studio, Pixar était là pour présenter Elémentaire, dernier né du studio qui sort également à la fin du mois. Le film ne partait pas vraiment gagnant, la faute à des choix artistiques tranchés qui ne plaisent pas à tout le monde et un concept qui ressemble beaucoup trop à ce qu’on a déjà vu chez eux, comme un mélange de Zootopie et Vice Versa, soit une formule qui devient un peu trop prévisible au fil des productions passées.
Pourtant, Elémentaire ne manque pas de charme, et se révèle très agréable à regarder, sans être au niveau des grosses pointures du studio. Il faut dire que le marketing n’a pas vraiment bien vendu le film sur son histoire, alors que c’est probablement la partie la plus intéressante: Elémentaire parle de la diversité au sein d’une métropole ou de comment les populations immigrés tentent de survivre dans une ville qui n’a rien fait pour les accepter. Le tout bloqué au milieu d’une comédie romantique plutôt charmante mais probablement trop coincé dans les poncifs du genre. Reste un film tout à fait agréable, avec plein de bonnes idées comme souvent chez Pixar et une approche vraiment intéressante.
Ce n’est pas la même chose chez Dreamworks avec Ruby, l’ado kraken. Alors que The Bad Guys et Le Chat Potté 2 annonçaient un véritable renouveau chez le studio, grâce à des choix artistiques tranchés et des histoires bien plus prenantes que les productions précédentes, Ruby l’ado kraken revient sur de la copie carbone des productions concurrentes, ici Alerte Rouge.
C’est simple, il suffit vraiment de troquer le panda roux contre un kraken pour un film qui raconte véritablement la même chose, relation mère-fille comprise, mais en nettement moins bien. Exit la mise en scène inspirée, voire même l’aspect teenage qui finalement ne prend pas une place prépondérante, on se retrouve avec un film qui file trop vite, qui enchaîne les poncifs humoristiques pas inspirés et qu’on oublie très vite. On retiendra le joli character design par moments, une animation excellente et un long-métrage techniquement solide, mais c’est bien tout.
L’autre événement en début de semaine, c’était bien sûr la projection de Teenage Mutant Ninja Turtles: Mutant Mayhem, le nouveau film des Tortues produit par Seth Rogen et fabriqué chez Mikros. La version projetée était une version “work in progress” avec des plans non terminées à plusieurs endroits mais ce qu’on a vu était proche du produit final, mettant en avant un style graphique marqué et tout à fait réussi. Evidemment, l’influence de Spider-Verse est bien là, mais les équipes de Mikros sont parvenus à imposer leur style, jouant à fond sur les gribouillis d’effets et des couleurs criardes mais jamais foireuses. Tout ça fonctionne extrêmement bien, avec une réalisation qui se sert de ce style avec ingéniosité et donnant une saveur complètement 90’s.
Des années 90 qui se ressentent tout au long du film, autant sur les influences que sur l’ambiance urbaine qui s’en dégage. L’histoire se concentre sur l’aspect familial et fraternel des Tortues, avec des blagues inspirées et une synergie entre les quatre frères au cœur de la narration. On sent l’inspiration de MTV ou des œuvres comme Malcolm, avec un certain brio. L’histoire ne montre pas une originalité folle mais on ressort de la séance avec une sacrée banane et le plaisir d’avoir retrouvé des Tortues revisités avec style. Force aux équipes qui doivent cravacher pour sortir le film dans les temps, le 9 août au cinéma.
Autre genre avec The First Slam Dunk, long-métrage de Takehiko Inoue himself qui adapte son propre manga. Dans un style 3D/2D qui pouvait laisser craindre quelques haussements de sourcils, le film profite en fait de cette liberté pour proposer des scènes de matchs de baskets absolument jouissives, et dont la mise en scène met le spectateur sous pression durant les deux heures de film.
Avec un film qui n’a pas la prétention de débuter une saga, Inoue fait le choix d’adapter le dernier match du manga, au moment où les cinq membres de l’équipe sont dans leur épreuve la plus difficile. Chacun trouve sa petite place, certains plus que d’autres, et on sent que c’est un auteur avec bien plus d’expérience aux commandes que lorsqu’il a réalisé le Slam Dunk original: les thématiques sont plus fouillés et matures, et permet d’apporter un angle nouveau à l’histoire qui fera plaisir à tous les fans du manga. Beaucoup de choix étonnants dans l’histoire et dans la réalisation, qui pourra en déconcerter plus d’un donc, mais j’ai été complètement emporté par l’histoire et la réalisation. Le 26 juillet en salles.
Work in Progress
Du côté des présentations avec équipe, ici aussi on a eu droit à beaucoup de choses différentes et variés. Guillermo del Toro a gratifié les spectateurs d’une séance spéciale pour montrer son amour de l’animation et revenir sur cet aspect de sa carrière. De l’aveu même du réalisateur, le medium est pour lui le meilleur moyen de toucher les spectateurs et il a renouvelé son intention de poursuivre cette exploration. Eric Goldberg, grand animateur 2D de chez Disney et aujourd’hui superviseur chez Disney était lui aussi présent pour une masterclass.
Le Mexique étant à l’honneur cette année, on a eu droit à de multiples WIP sur de futures productions locales, comme le film en stop motion Frankelda et le Prince des épouvantes. Des gros studios présentaient aussi les premières images de leur projet, comme Illumination avec Migration, supervisé par Benjamin Renner (Le Grand Méchant Renard, Ernest et Célestrine) ou Trolls 3 de Dreamworks.
Sony Picture Animation était également là pour parler de Spider-Verse via un court-métrage nommé The Spider Within. Le studio lance le programme LENS "pour “Leading and Empowering New Storytellers”, qui favorise des employés ou non de leurs différents départements pour réaliser une histoire avec les assets des films Spider-Verse. Ici, le court était consacré à Miles qui doit vivre avec ses angoisses d’adolescent, alternant avec la pression de ses études, ses parents et ses devoirs en tant que super-héros. Un court de quelques minutes mais qui va assez loin dans la représentation des angoisses (on y évoque concrètement la paralysie du sommeil) en se servant des codes du film d’horreur. C’est très impressionnant, et ça confirme la volonté des équipes de Spider-Verse de parler du mal-être adolescent à travers la licence et de ne pas édulcorer les thématiques.
Du côté du studio La Cachette, le focus a été fait sur Le Collège Noir, une adaptation de la bande dessinée d’Ulysses Malassagne, déjà membre fondateur du studio. Prévu en deux saisons de 6 épisodes (pour l’instant), le projet sera diffusé sur ADN pour Halloween et s’annonce déjà tout aussi excellent que les autres productions du studio (Primal, Star Wars Visions, Love Death and Robots). L’histoire prend place dans un collège du Cantal où cinq enfants passent leurs vacances en internat et vont partir à la recherche d’un de leur camarades disparus. Le tout fait penser aux Goonies avec une dimension horreur assez prononcée, et un univers sombre dont le premier épisode montré donne déjà sacrément envie. Avec en prime le générique de la série.
Chez Netflix, la tendance était aussi aux productions animées plus ou moins adultes, pour les mois qui viennent. Tout d’abord, le film Leo qui met en scène un lézard de 74 ans doublé par Adam Sandler qui fait équipe avec une gamine pour faire le maximum de choses avant de mourir, le tout à travers une comédie musicale. L’extrait diffusé était joli mais également ultra classique, autant dans l’humour que dans la réalisation. Même constat pour Blue Eye Samurai, qui met en scène un samouraï aux yeux bleus cherchant à se venger. Une série avec un style particulier pour une histoire qu’on a déjà vu mille fois, on compte un peu sur les combats, mis en avant par leur fabrication basée sur des combats au sabre filmés avant d’être mis en 3D.
Mais le bon point de la présentation, c’était l’arrivée de l’équipe de Chicken Run: Dawn of the Nugget. Une suite arrivant sur Netflix par Aardman, et dont les premières images confirment que l’humour et le style du premier opus sont toujours là pour notre plus grand plaisir. On a encore une fois la promesse d’une aventure rocambolesque et d’un plan qui va se dérouler avec beaucoup d’accrocs. Sortie le 15 décembre.
L’autre présentation phare était probablement Fixed de Genndy Tartakovsky. L’homme derrière Le Laboratoire de Dexter, Super Nanas, Primal, Hôtel Transylvanie ou encore Samouraï Jack a présenté son futur film d’animation adulte en 2D, qui sortira bien en salles. Une anomalie dont même l’intéressé n’arrive pas à croire que ça arrive vraiment. Fixed raconte l’histoire de Bull, un chien qui s’apprête à se faire castrer. Il va alors passer ses dernières 24 heures avant l’opération à profiter de la vie avec ses potes. Une histoire étonnante qui pose les bases d’un style mordant, et les nombreux extraits montrés confirment un humour adulte et ravageur. Ça jure comme pas possible, le tout avec un design rappelant ses œuvres récentes et un style très Cartoon Network, et il n’y a malheureusement pas encore de date de sortie mais ce qu’on a vu était déjà hilarant.
Le WIP a aussi été l’occasion pour Tartakovsky de raconter en détail comment le projet est né, comment il a d’abord été pensé pour être en 3D avec un autre studio, puis modifié en 2D chez Sony, notamment pour des raisons de budget (et qu’il est plus simple de faire les parties d’un chien en 2D pour que ça passe mieux à l’écran). Il nous a parlé des difficultés de production, à savoir comment gérer l’humour d’un film, de tester les réactions du public, de voir qu’une scène en apparence borderline devient celle qui obtient la meilleure réaction. Une vraie prise de parole sur l’importance de faire confiance au spectateur et d’écouter leurs réactions plutôt que celles des producteurs.
Il a aussi évoqué sa carrière et la façon dont Hollywood peut être impitoyable envers les créatifs, et comment il a appris à encaisser les échecs et les refus, après certains gros coups durs comme l’annulation de son Popeye au profit d’un certain Emoji Movie (on comprend pourquoi ça l’a marqué). Une présentation passionnante où on a découvert un créateur très ouvert, et on espère simplement qu’il pourra continuer encore longtemps.
Côté Disney/Pixar, c’était l’occasion d’avoir des images des futures productions à venir. La projection d’Elementaire était aussi l’occasion de montrer le premier épisode de leur future série d’animation, à venir pour la fin d’année sur Disney+, Win or Lose. Le concept est simple: on suit la finale d’une petite équipe scolaire de softball, mais à travers le point de vue de différents personnages, que ce soit les enfants de l’équipe ou les adultes qui gravitent autour. L’idée est de suivre les mêmes événements mais avec des angles différents.
L’épisode en question se concentrait sur Vanessa, la mère d’une des filles de l’équipe. Une “cool mom” comme elle est définie dans la série, qui doit alterner entre sa fille dont elle voue un culte irrationnel, ses petits boulots pour s’en sortir et le petit dernier qu’elle doit surveiller constamment. L’épisode est hilarant, superbement animée, bourré de bonnes idées qui rappellent Alerte Rouge avec des designs à la Luca et une vraie sensibilité sur les thématiques familiales abordées. C’est très très prometteur, et très hâte que ça débarque cette année.
Côté Disney, il fallait célébrer les 100 ans de la firme comme il se doit. Ce sont les réalisateurs Trent Correy et Dan Abraham qui s’y sont collés, à travers un court-métrage anniversaire intitulé Once Upon a Studio, qui a été montré pendant la séance. Le court-métrage, qui mélange plusieurs techniques pour faire revivre les personnages des films, donne au départ l’impression d’un aspect très commercial et promotionnel envers le studio (ce qu’il est clairement). Mais à la fin du court et au bout des quelques minutes de standing ovation, le constat est assez clair: oui, ça joue la nostalgie à fond, mais avec un vrai respect pour les films et une passion indéfectible. Si on aime et qu’on a grandit avec ces films Disney qui ont bercé notre enfance, ça fera sans doute un petit quelque chose.
Le reste de la présentation était consacré à Wish, le futur grand film d’animation Disney, dont les détails ont été montré par Jennifer Lee, présidente de Disney Animation. Plusieurs scènes non terminées ont été montré, où on y voit Asha, l’héroïne du film, qui tente de devenir l’apprentie du roi Magnifico, seule personne capable d’exaucer les vœux du royaume. Le film bénéficie d’un style particulier, bien mis en avant par Jennifer Lee, pour tenter de donner au long-métrage un aspect proche des concepts arts grâce à un effet aquarelle/peinture sur les décors et certains éléments des personnages, et notamment en jouant sur les effets de parallax lors des mouvements de caméra pour revenir à un film d’animation 2D traditionnel.
Difficile de dire si le visuel est vraiment réussi tant il y avait peu de plans complètement terminées, mais autant les plans larges fonctionnent assez bien, autant les personnages ont bien du mal à s’intégrer aux décors. Il en ressort un effet assez étrange, et rien pour l’instant dans le style artistique donne envie de s’émerveiller. Il faudra attendre la sortie en novembre pour juger sur pièces.
Un festival plutôt chargé donc, qui aura permis de découvrir de belles surprises et d’avoir une idée des productions de demain. Une chose est sûre: le film d’animation 3D au style que l’on a connu a terminé son règne. Même des gros studios comme Disney tentent de nouvelles approches, preuve que le succès du premier Spider-Verse a réellement changé la donne et a permis de montrer qu’il n’existait pas qu’un seul style pour créer de l’animation. On pourra arguer qu’il y a aussi une dimension économique à tout ça, car la technique 3D reste un procédé coûteux sur le budget.
Le son de cloche est d’ailleurs différent côté MIFA, car la tendance des achats de contenu est à la baisse, et pas qu’un peu. Les financements sont compliqués, car les plate-formes de streaming font de plus en plus d’économies. Netflix a ralenti la croissance de ses productions animées, HBO Max a fait un gros ménage de printemps dans ses séries pour pouvoir relancer complètement son service et Disney + se concentre principalement sur ses grosses licences, quitte à dégager également les contenus qui ne font pas d’audience. Je ne parle même pas des chaînes françaises qui ont du mal à sortir des cases horaires pour de nouvelles créations.
Devant ce constat, où la France est toujours envié par les autres pays sur l’animation, autant sur la qualité des productions sorties que sur notre capacité à rogner sur le budget, il est évident que les nouvelles techniques d’animation pour sortir du lot sont légions. Chacun tente de tirer son épingle du jeu tout en prenant garde aux multiples coûts que certains développements peuvent engendrer. Si Spider-Verse a pu bousculer les choses, l’ère post-COVID ne facilite par ce grand bouleversement, le streaming ne marchant plus aussi bien que quand tout le monde était en confinement. Les salles de cinéma se remplissent petit à petit, mais il faudra attendre encore un moment pour dégager l’horizon.